L'évangéliste Jean dit que Dieu s’est fait chair, qu’il a épousé la pâte humaine pour faire de nous son corps, et pourtant nous continuons à le chercher au ciel. Jésus, qui a dit "je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde" (Mt 28, 20), serait donc à nos côtés, présence discrète, et c’est nous qui serions absents, aveugles et sourds. Dans son dernier livre, "Un seul corps" (éd. Labor et Fides), Marie-Laure Choplin vient rouvrir tous nos sens et nous invite à reconnaître le très loin au plus près, ici et maintenant. À travers un recueil de textes denses et poétiques, elle nous fait percevoir tous ces liens qui tissent la chair même de Dieu.
Où est Dieu ? À nos contemporains en manque d'expérience spirituelle, Marie-Laure Choplin trace une voie. L'auteure d'"Un seul corps" parle d'ouvrir tous nos sens pour le reconnaître. Elle reprend d'ailleurs une formule entendue un jour : "Un chrétien n'est pas quelqu'un qui connaît, c'est quelqu'un qui reconnaît." Elle ajoute : "... y compris là où ne l'attend pas du tout !"
Dans son livre, elle place en épigraphe cette phrase de saint Paul : "Nous qui sommes plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, et membres les uns des autres, chacun pour sa part." (Rm 12, 5) Le corps, un corps qui éprouve, tient une grande importance dans son ouvrage. Les yeux, la peau, le nez sont à l'affût d'une présence : celle des autres, celle qui est en soi et celle de Dieu. Il s'agit d'"être présent dans le corps qui éprouve".
L'ouvrage de Marie-Laure Choplin est une succession de scènes de la vie ordinaire, des petits riens de la vie quotidienne. Une invitation à être présent, dans l'instant, à ce que nous vivons tous les jours. Le théologien Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), que Marie-Laure Choplin "aime vraiment beaucoup", disait : "On se rendra compte à la fin de notre vie que le seul moment qui compte vraiment est le moment présent." Mais être attentif à l'autre, non pas tant pour le voir, mais aussi "pour être présent avec lui", pour "exister ensemble". "On ne peut pas exister : moi, mon corps, coupé de celui des autres et coupé du monde."
Les corps, les gestes, peuvent nous parler si nous savons les regarder. Mais aussi la nature, les éléments, la ville et sa minéralité, très présents dans le livre de Marie-Laure Choplin, qui s'inspire non pas des espèces de parenthèses que sont les vacances ou les temps de retraite. Tous ceux qu'elle croise "à même la rue" ont "quelque chose de très spécial" et en même temps "ils n'ont rien d'extraordinaire". "D'une certaine façon je ne les ai pas choisis, j'ai juste choisi d'ouvrir les yeux et de me laisser toucher."
Comment vivre avec notre propre corps et le corps de l'autre ? Aumônier d'hôpital, Marie-Laure Choplin pense que l'attention au corps est fondamentale, y compris pour les chrétiens. "Le corps, aujourd'hui peut-être, on a l'impression qu'il est exalté et très présent dans notre culture contemporaine, je crois que c'est absolument tout le contraire, il est extrêmement mécanisé, formaté, asservi, éteint."
Dans son livre, elle entremêle les scènes de la vie de l'Évangile et de la vie quotidienne, elle insère le Christ parmi ceux qu'elle rencontre. Comme un tissage. Pour nous parler d'un corps "qui va naître au contact du corps de l'autre et des autres, et surtout pas un objet à construire à embellir, à perfectionner, à maîtriser, à contrôler, surtout pas ça !" Elle cite un autre théologien, le jésuite Christoph Theobald, qui "a défini la chair comme ce qu'il y a entre nous : entre vous et moi : la chair ce n'est pas mon corps clos et votre corps clos, c'est ce qui se passe entre nous".
Émission d'archive diffusée en septembre 2019
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