Rencontre avec une femme de cœur, une femme touchée par la grâce de l’émerveillement. Charlotte Jousseaume est écrivain et anime des ateliers d'écriture. Elle désire transmettre le fait que la vie humaine et spirituelle s’incarne dans la chair et qu’à trop vouloir tout "mentaliser" on en oublie le corps. Dans son livre, "Et le miroir brûla - Portrait conté de Marguerite Porete" (éd. Cerf) elle met ses mots dans ceux de la mystique. Une femme qui aura su incarner cette union étroite du corps, de l'âme et de l'esprit. Une spiritualité profondément féminine.
"Par trois fois, Dieu a frappé à ma porte." À l'âge de huit ans, Charlotte Jousseaume a "compris qu'il n'y avait pas qu'un seul Dieu", mais "plusieurs traditions spirituelles". Alors qu'elle se tenait devant l'église de Varengeville-sur-Mer, elle a entendu une femme dire qu'elle était juive et qu'elle n'entrerait pas dans cette église par respect pour les siens. "Dans le geste de cette femme il y avait un profond respect et quelque chose d'un Dieu qui se révélait à moi sous le visage d'une multitude de chemins, de visages et de prières."
Plus tard, lors de sa profession de foi, "faite en toute vérité et en grande profondeur", Charlotte Jousseaume, qui a grandi "dans une famille où on ne parlait pas de Dieu", a "dit au Christ : vu l'histoire de ma famille, je suis éloignée de toi mais un jour je reviendrai vers toi". Ce qui a effectivemment eu lieu quelque années plus tard, alors qu'elle était âgée d'une vingtaine d'années, diplômée de Sciences Po et habitée par le désir de devenir écrivain. "J'ai compris que ce que je recherchais dans l'écriture était partagé par les chercheurs de Dieu." L'appel à entrer dans une église et à assister à la messe s'est fait de plus en plus pressant. Un jour elle est entrée dans l'église Saint-Gervais à Paris. "Je ne sais pas ce qui m'a guidée dans cette église plutôt qu'une autre, j'étais libre d'entrer et de sortir, de me laisser réapprivoiser par le Christ."
Quand elle avait 18 ans, Charlotte Jousseaume a failli mourir. Victime d'un empoisonnement médicamenteux, elle est chez une amie quand elle est prise de tremblements. "Elle m'a prise dans ses bras, j'ai senti la paix qui était dans son cœur et une très très grande paix m'envahir." Ce fut une nuit de grande souffrance mais aussi une expérience mystique forte.
"Je savais que j'allais mourir, je l'avais compris, mais je n'avais pas peur parce que je savais que j'étais en vie, j'avais découvert à l'intérieur de moi-même, au-delà de moi-même et au-delà de la souffrance qui s'était emparée de mon cœur, un espace d'où jaillissait un immense amour." Sans la nommer alors, Charlotte Jousseaume a découvert "une source d'amour" et compris qu'elle était "aimée".
Après plusieurs ouvrages - "Quatuor mystique" (2017) ou "Le silence est ma joie" (éd. Albin Michel, 2010) - Charlotte Jousseaume consacre un "portrait conté" à Marguerite Porete. Femme mystique brûlée vive en place de Grève le 1er juin 1310, qui "a vécu ce que nous appelons aujourd'hui le lâcher-prise et l'intelligence du cœur". Sa spiritualité est celle de "l'entendement d'amour", qu'elle distingue de "l'entendement de raison" : avec Marguerite Porete, "il ne s'agit pas d'être dans un 'il faut être vertueux' mais de s'abandonner à l'amour". Et, en aimant, devenir vertueux.
Une spiritualité profondément féminine. On est à une époque où on questionne et on redécouvre le sens du masculin et du féminin. Pour Charlotte Jousseaume, si "on parle depuis plusieurs années du féminin de l'être", si "les hommes prennent conscience de leur féminité", "on parle moins des femmes qui redécouvrent en elles cette puissance du féminin et du maternel". Marguerite Porete, cette femme profondément libre, nous donne l'exemple d'une union étroite entre le corps, l'âme, l'esprit.
Émission d'archive diffusée en 2018
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