Un an après la remise du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l'Église, la bibliste Anne Soupa et la journaliste Christine Pedotti ont publié un manifeste au titre injonctif : "Espérez !" Depuis, d'autres affaires d'abus ont été révélées. Pourtant, ces deux femmes de foi continuent de croire que le christianisme a un avenir. Qu'est-ce que l'espérance chrétienne ? À quoi ça sert d'espérer si rien ne change ?
Elles viennent de publier un ouvrage au titre très injonctif, "Espérez !" (éd. Albin Michel). Christine Pedotti et Anne Soupa n’en sont pas à leur première collaboration. En 2010, elles avaient publié "Les pieds dans le bénitier" (éd. Presses de la Renaissance). La directrice de la revue Témoignage chrétien et la bibliste ont en commun "un parcours d’amitié militante", comme le décrit Christine Pedotti. Elles ont fondé en 2008 le Comité de la jupe, en réaction à des propos de Mgr André Vingt-Trois jugés misogynes. La même année, elles ont lancé la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF) pour « défendre un catholicisme ouvert". En 2020, Anne Soupa avait proposé sa candidature à l’archevêché de Lyon, pour succéder à Mgr Philippe Barbarin.
Leur "Manifeste pour la renaissance du christianisme" a été publié un an après le rapport Sauvé. Depuis, d’autres affaires d’abus ont été révélées – les affaires Santier, Ricard, Aupetit... "Nous nous sommes dit mais c’est terrible parce que ce que nous disons depuis longtemps sur les réformes qu’il faudrait faire, sur la place à ouvrir aux femmes, sur les réformes de gouvernance, etc. : au fond, on a tout dit, on a analysé. Mais est-ce que c’est ça qui est le plus important ?" Christine Pedotti décrit un sentiment d’écœurement, quelque chose de l’ordre de la lassitude. "Finalement nous n’avions pas tort, souvent on nous a dit que l’on exagérait mais non, on n’exagérait pas."
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Le christianisme a-t-il de l’avenir ? Malgré leur découragement, Christine Pedotti et Anne Soupa gardent au cœur cette évidence : oui, le christianisme a de l’avenir. Elles nous encouragent à nous demander "pourquoi nous croyons que le christianisme a de l’avenir". "Pourquoi est-ce que nous croyons que la proposition chrétienne c’est pas un vieux machin qui a 2000 ans et qui est en train de périr mais que c’est un truc qui continue de faire brûler le cœur et l’âme de ceux qui ont donné leur foi au Christ ?"
Avec la foi et la charité, l’espérance est l’une des trois vertus théologales. "Nous pensons que le christianisme et l’espérance sont synonymes", explique Christine Pedotti. Pour elle, plus encore que la foi, l’espérance est l’ADN profond, "le mot clé" du christianisme. "C’est la conviction puissante que, au bout du compte, ce n’est pas le désastre et le mal qui ont le dernier mot. Au bout du compte, ce n’est pas le chaos et le néant qui nous attendent. C’est Dieu qui nous attend. Nous appartenons au désir de Dieu."
L’espérance, ça ne nous console pas, ça nous rend capables
"Souvent les chrétiens parlent d’amour - mais il y a des mots qui sont tellement éculés que l’on a n’a plus envie de les utiliser - Dieu nous aime, Dieu nous attend, Dieu nous désire, Dieu espère quelque chose de nous." Et cependant, savoir cela ne change rien à notre inquiétude. En effet, Dieu ne met pas un terme à la guerre, il ne nous sort pas de la crise climatique ou sanitaire en un claquement de doigts. Il ne guérit pas non plus l'Église catholique du scandale des abus. L’espérance, "ça ne nous console pas, ça nous rend capables", rappelle Christine Pedotti. "En fait ça change tout parce que ça nous dit que nous sommes rendus capables de faire face à ce qui advient."
L’espérance n’a rien à voir avec une quelconque forme d’optimisme ou pire, d’aveuglement. Il est question du sens de la vie humaine sur Terre. "Je ne sais rien, décrit la journaliste, je ne peux pas garantir la survie de l’espèce humaine. Je ne sais pas, je ne sais rien et j’espère beaucoup. Je ne crois pas à l’inanité, au non-sens de la vie humaine." Mais cela se décide. Espérer est le fruit "d’une décision" rappelle Christine Pedotti. Il s’agit "de résister à une forme de fatalité". "Nous sommes appelés à penser à agir à œuvrer, sans certitude de ce que nous allons obtenir."
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