La ferveur d’un enseignant peut-elle transformer sa façon de transmettre ? Pour le savoir, l’exemple de quelques grandes figures catholiques d’éducateurs est instructive. Ces fondateurs d’établissement religieux ont-ils encore quelque chose à nous dire sur ce qui fait grandir les enfants ? Saint Jean Bosco, ou encore Saint Marcellin Champagnat suivaient le Christ et ils ont transmis bien plus que le savoir. Entretien avec Ambroise Tournyol du Clos auteur du livre « Transmettre ou disparaître, manifeste d'un prof artisan » (ed.Salvator) et lui-même professeur
Qu’ont en commun les grandes figures de l’éducation, devenus saints, et fondateurs de nombreuses écoles ? « Ils ont une grande confiance dans les capacités de la raison à porter l'homme vers sa vocation première. Ils ont une confiance dans l'intelligence et le cœur des enfants » résume Ambroise Tournyol Du Clos. Pour ce professeur d'histoire-géographie, en cultivant leur rapport aux Écritures, ils ont appris à transmettre bien plus que le savoir. Et même s’ils sont ancrés dans une époque particulière, avec un certain nombre de principes qui sont plus forcément les nôtres aujourd'hui, leur expérience est une ressource toujours d’actualité.
Pour se faire entendre, rien de tel que de maitriser l’art oratoire. Marcellin Champagnat en est convaincu. Ce prêtre du XIXe siècle est à l'origine de l'ordre des frères maristes, nom qui vient du désir de « tout donner à Jésus par Marie ». Originaire d’une famille modeste, Il veut rester proche des plus pauvres en menant une vie ascétique, dormant sur un lit de planche, se nourrissant très peu. « L'esprit mariste est partout où demeurent aujourd'hui des prêtres, des frères ou des laïcs persuadés que c'est dans le cœur du Christ qu'ils trouveront l'enthousiasme pédagogique nécessaire pour faire grandir l'intelligence et le cœur de ceux qui leur sont confiés » explique Ambroise Tournyol qui regrette que l'art oratoire aujourd'hui soit sous-estimé. « L'enseignement a trop souvent tendance à devenir une procédure, et c’est lié à notre pédagogisme actuel qui nous fait croire qu'en ayant trouvé la bonne procédure, nous toucherons nos classes » ajoute t’il.
c'est dans le cœur du Christ qu'ils trouveront l'enthousiasme pédagogique nécessaire pour faire grandir l'intelligence et le cœur de ceux qui leur sont confiés
Prêtre contemplatif, Marcelin Champagnat est une figure de la prédication, convaincu que les professeurs doivent apprendre à parler à chacun, ne pas négliger l'émotion, et essayer de toucher le cœur.
« C’est une une âme de feu, passionnée de Dieu et des enfants. Et je crois que le tempérament de Don Bosco, dynamique, enthousiaste, meneur d'hommes nous amène à scruter une autre forme du génie pédagogique que l'Église a su féconder à travers les siècles » détaille Ambroise Tournyol en évoquant le fondateur de la congrégation des Salésiens en 1859 à Turin avec une quinzaine de jeunes qu'il a accompagnés depuis plusieurs années. Ce prêtre, intelligent, diplomate, doué d’une grande mémoire, a un sens de la relation incroyable.
il faut surtout que les jeunes se sachent aimer
Il fait de la confiance l’un de ses piliers pédagogiques. Confiance en Dieu et confiance que Dieu nous donne. « Don Bosco est persuadé qu'aucune éducation, aucune œuvre éducative ne peut se passer de ce qu'il appelle l'alliance avec les jeunes. Ce n’est pas un contrat. Dans une alliance, on se donne, quelles que soient les conditions de ce don » détaille Ambroise Tournyol. Don Bosco est aussi convaincu que « mieux vaut prévenir que punir, même s'il est aussi capable de punir. Et pour ça, il faut s'appuyer sur la raison des jeunes ». Pour éduquer cette raison, Saint Jean Bosco va s'appuyer sur la foi des jeunes, la nourrir en proposant les sacrements et l’oratoire pour la prière. « Il sait aussi qu’il n’y a pas d'éducation sans affection. Don Bosco a cette phrase, il dit, ‘certes il faut aimer les jeunes, mais il faut surtout qu'ils se sachent aimés’ » se souvient le professeur Ambroise Tournyol..
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