Le mal que l'on fait sans forcément le vouloir, il faut s'en étonner et le pleurer. Car il y a bien de l'inhumain en nous dit Martin Steffens, mais on n'est pas seul. Par Christophe Henning.
"Nous sommes un champ de bataille." Belle formule pour désigner le chaos intérieur qui souvent nous habite. Après le "Petit traité de la joie", Martin Steffens s'attaque à ce qui précisément altère la joie, en publiant "Rien de ce qui est inhumain ne m'est étranger" (éd. Points). "Souvent il arrive que le mal n'arrive pas qu'à cause des autres", dit-il. Mais son approche philosophique du combat spirituel n'a rien de moralisateur. Si avec lui on arpente sans crainte nos zones d'ombres c'est que le philosophe nous aide à en faire "un nouveau point de départ". Vers une liberté à se réapproprier sans cesse.
"Mais qu'est-ce qui m'a pris?". On a tous été sujet au regret abyssal d'avoir dit une parole de trop ou d'avoir commis un acte blessant. Le philosophe ne nous dit pas "Rien de grave, poursuivez". Reconnaître qu'il y a en soi-même quelque chose qui nous échappe et nous tourmente "est indispensable pour advenir à notre humanité", encourage-t-il. Mieux, il est "nécessaire" de s'en étonner. "Il faut toujours des larmes pour pleurer le mal dans le monde et en soi." Car ce sont ces larmes qui nous permettent de dépasser le mal.
Sommes-nous réellement maître de nos actions? Le mal a ceci de mystérieux qu'il nous résiste. Martin Steffens l'affirme: "Il y a bien quelque chose d'inhumain" en nous. Un mastère à arpenter donc, et à nommer. Certes, parler du mal cela a de quoi effrayer ou à défaut déranger. Le philosophe considère cependant l'importance de le dire. Notre langue française l'applique à quatre situations:
1) "Faire mal", comme dans "Tu m'as fait mal, tu n'as pas fais attention" ;
2) "Mal faire", pour parler d'un travail bâclé ;
3) "Faire du mal", ce qui désigne la malice, dire une parole blessante ;
4) "Faire le mal", soit pervertir l'ordre des valeurs.
"Alors même que l'on sait, on n'y arrive pas ; alors même que l'on veut, on ne peut pas." Pour le philosophe, converti au catholicisme, le combat n'est pas simplement moral mais aussi spirituel. "Le mal est toujours plus fort que nous", annonce-t-il. Mais nul désespoir dans ces propos: l'homme a besoin de quelqu'un ou de quelque chose pour le dépasser. Et cela est une bonne nouvelle. Dans son impuissance primordiale, l'humain n'est pas seul.
Philosophe, Martin Steffens est enseignant à Metz, au lycée et en classe préparatoire. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, notamment l'auteur de "Petit traité de la joie" (éd. Salvator, 2011).
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