"Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu", dit Jésus dans l'évangile de ce dimanche. En cette période estivale, on apprécie cette injonction ! Mais c'est une histoire de repos impossible qui est racontée par l'évangéliste Marc. Il est question d'une immense foule qui rejoint Jésus et ses disciples, les empêchant de se reposer à l'écart, tel un étau qui se resserre sur eux dans une course-poursuite autour du lac de Tibériade.
Évangile du dimanche 20 juillet (Mc 6, 30-34)
Les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger.
Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
Source : AELF
Dans l’évangile de dimanche dernier, Jésus envoyait ses disciples en mission : cette fois-ci, ils en reviennent. Mais de façon assez étrange, entre les deux passages, l’évangéliste Marc a inséré le récit de la mort de Jean-Baptiste décapité par Hérode. Le lecteur a de quoi se sentir désorienté ! Et même, l'évangile de ce dimanche a beau être un texte court, il est à bien des égards surprenant. L'écrivaine Marie-Laure Choplin le commente pour RCF.
Si l’on se remémore le tout début du chapitre 6, Jésus a fait l’expérience d’être lui-même rejeté à Nazareth. Finalement, Jean-Baptiste comme Jésus éprouvent ce que signifie être envoyé : on risque sa vie !
"Jésus est rejeté mais on ne lui coupe pas la parole, relève Marie-Laure Choplin, Jean-Baptiste, il est décapité. Ce n’est pas rien comme type de mort, c’est au niveau de la gorge. La parole qu’il annonçait est rendue impossible, on lui coupe littéralement la parole."
De retour de mission, les disciples à Jésus racontent ce qu’ils ont vécu. On devine leur enthousiasme et même leur excitation. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils reviennent en détail sur les faits qui se sont passés. Une sorte de "débrief" comme on dirait aujourd’hui. Au lieu de quoi, Jésus les invite à venir "à l’écart" et à se reposer. Or, à aucun moment les disciples disent qu’ils se sentent fatigués !
"Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu", dit Jésus. Pour Marie-Laure Choplin, "c’est une phrase absolument magnifique, et je crois qu’elle nous parlera différemment selon ce qu’on est en train de vivre." Toutefois, dans l’invitation au repos de Jésus, il y a un mouvement. "Ce n’est pas juste s’arrêter et ne plus bouger", précise l’écrivaine.
D’ailleurs, ce mouvement de partir à l’écart vers un endroit désert, Jésus le fait souvent, mais seul. Cette fois, il invite les disciples à faire comme lui. D’une certaine manière, il leur dit : "Pour être fécond comme je suis fécond, moi qui vous envoie, partir à l’écart, c’est essentiel", commente Marie-Laure Choplin.
Et pourtant, la pause sera de courte durée. La foule en effet les rejoint, comme un étau qui se resserre, comme une course-poursuite autour du lac de Tibériade. "C’est du harcèlement, pour Marie-Laure Choplin, c’est presque irrespirable au niveau de l’espace, on se sent soi-même envahi à la lecture !"
Vers où court la foule ? Vers ce lieu de l’écart. Or donc s’ils y vont tous, ce n’est plus un lieu à l’écart. En réalité, "ce que la foule ne supporte pas, c’est cet éloignement, comme s’ils ne toléraient pas que le moindre espace subsiste entre elle et les douze et Jésus."
Là encore, le texte nous surprend puisque dans ce contexte oppressant, Jésus ne semble nullement énervé. Et de façon étonnante, il n’est plus question des disciples. Il est simplement dit que Jésus voit la foule. Ce qui signifie qu'il "voit la personne, c’est-à-dire la considère", analyse Marie-Laure Choplin. À l’opposé de ce que fait la foule, "Jésus laisse à la personne de l’espace pour être, pour dire sa parole. Ce voir est d’une grande densité."
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