En ce premier dimanche de Carême, on lit le récit où Jésus est tenté au désert par Satan. Mais qui est Satan ? Et pourquoi Dieu, qui vient de dire à Jésus "Tu es mon Fils bien aimé" le laisse partir et vivre une véritable épreuve ? Explications de James Woody, pasteur de l’Église protestante unie de France (ÉPUdF) à Montpellier.
Évangile du dimanche 18 février (Mc 1, 12-15)
Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.
Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »
Source : AELF
L’évangile de ce dimanche est tiré du début de l’évangile de Marc. Jésus vient juste tout d’être baptisé : le texte dit qu’il part au désert "aussitôt" après son baptême. Pour James Woody, ce passage au désert "est une sorte d’acte inaugural. Jésus commence son ministère par cela."
"Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert."
(Mc 1, 11-12)
Comment comprendre cette parole pleine d’affection de Dieu pour son fils qui est immédiatement après mis à l’épreuve ? "Le baptême désigne le fait que nous avons en nous la capacité de faire face aussi bien à l’expérience du désert qu’à épreuve avec Stan et la tentation", explique James Woody.
D’ailleurs, comme le dit saint Augustin, le sacrement est "le signe visible d’une grâce invisible". "Le baptême confirme quelque chose qui est pas forcément visible à l’œil nu", précise le pasteur.
Jésus est littéralement "jeté" au désert, nous dit Marc. "Moi je crois qu’il y a quelque chose d’extrêmement prophétique dans le geste du saint Esprit, estime James Woody, c’est sortir Jésus du confort du baptême, de la sacristie, du temple, de la communauté… Maintenant il faut aller dans le monde !"
On pourrait même dire que Jésus est "rejeté" : il est rejeté "de cette certitude que peut procurer une sorte d’expérience du sacré, une religiosité qui serait un peu comme un baume, un cocon". Le désert est un lieu sans aucune "assurance" où Jésus est totalement "exposé".
On n’a pas peut-être pas tant à craindre que cela du Satan ou alors on a à craindre quand on n’est pas au clair soi-même
Dans la Bible, il y a deux figures qui se rapportent mal : le diable et Satan. Ce dernier est l’accusateur, c’est-à-dire "celui qui va plaider contre". "Ce n’est pas d’abord quelqu’un ou quelque chose, précise James Woody, c’est une manière de désigner ce qui nous met à l’épreuve, ce qui nous accule, ce qui nous pousse dans nos retranchements." Ainsi, dans ce récit, Satan fait vivre à Jésus "une épreuve de vérité".
L’épreuve du désert est relatée de façon très différente dans les évangiles de Matthieu et de Luc. Le Satan y ressemble plus au serpent de la Genèse, il est plus "pervers" et falsifie la parole de Dieu. Il sort de leur contexte des versets. Il y a chez Matthieu et Luc, "un combat de parole, décrit le bibliste, une sorte de joute oratoire, de dispute théologique".
Chez Marc, "on a plutôt cette expérience de soi face à soi : c’est cela, l’épreuve de vérité. C’est quand on est jeté en toute lumière et que l’on va découvrir la personne que l’on est véritablement." Ce qui fait dire à James Woody que, finalement, "on n’a pas peut-être pas tant à craindre que cela du Satan ou alors on a à craindre quand on n’est pas au clair soi-même et qu’on se rend compte qu’il y a beaucoup de zones d’ombres…"
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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