Qui est vraiment Jésus ? Est-il le Messie tant attendu par Israël ? Cette question que nous pouvons tous nous poser a été celle de Jean le Baptiste, quand il croupissait dans la prison du palais d'Hérode. L'Évangile du troisième dimanche de l'Avent nous plonge au cœur de la perplexité du plus grand des prophètes. Commentaires d'Antoine Nouis, pasteur, bibliste et théologien, auteur du livre "Le Nouveau Testament - Commentaire intégral verset par verset" (éd. Olivétan / Salvator, 2018).
Évangile du dimanche 11 décembre (Mt 11, 2-11)
Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui.
Source : AELF
Ce récit raconte les premiers temps de la vie publique de Jésus, au temps où il était encore en Galilée. Le prophète Jean, celui qui a baptisé Jésus, a été arrêté et mis en prison par Hérode. Jean avait osé dénoncé le comportement du tyran, à qui il avait rappelé qu’il n’était pas permis de prendre comme femme sa belle-sœur. En réponse, Hérode a réagi comme le font les tyrans, pour qui "la vérité est trop dure à entendre", comme le souligne Antoine Nouis.
Il faut bien avoir en tête qui étaient les prophètes de l’Ancien Testament, et à quel point ils vivaient cette réalité de la Parole - ce qui leur attirait des ennuis. Prophète, c’est "un métier à haut risque", souligne le pasteur. "La figure du prophète c’est l’homme qui est chargé de proclamer la parole de Dieu, mais je dirais qui est chargé de proclamer la parole de Dieu : quand ça va mal ! Quand tout va bien on n’a pas besoin de prophète !" Jean s’inscrit donc parfaitement "dans la tradition des prophètes du Premier Testament".
Depuis sa prison, Jean entend parler de la renommée de Jésus. Ce que les gens ont vu, ce que Jésus a fait, a dit, les guérisons : tout cela lui parvient alors que lui ne peut plus agir. Or, on sait que Jean avait lui aussi des disciples. "Et quelque part on pourrait presque dire que les disciples de Jésus et les disciples de Jean étaient en rivalité", précise le bibliste. Aussi, on peut imaginer un Jean "décontenancé" dans sa prison. Car "si la parole de Jésus est articulée avec la sienne, elle est quand même différente". Mais au lieu de s’insurger et de donner tort à Jésus, "Jean a des doutes" et "il a tout simplement la simplicité et l’humilité d’aller demander". Il y a là quelque chose "d'assez beau et assez juste", pour Antoine Nouis.
Dans ce récit, qui met en tension le personnage de Jésus et celui de Jean, la question qui est posée est celle de l’image messianique de Jésus. Quel modèle de messie va-t-il endosser ? Dans sa prédication, Jean parle d'un messie justicier, d'un libérateur qui utilise la force - "une image messianique assez courante à cette époque-là", souligne le bibliste. Or Jésus, est "en décalage" avec cette attente messianique. Et "une clé de lecture de l'évangile" est justement "ce décalage" et "la façon dont Jésus y répond"...
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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