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Faut-il encore croire au diable ?

Un article rédigé par Véronique Alzieu - RCF, le 5 mars 2024 - Modifié le 5 mars 2024
Je pense donc j'agisFaut-il (ou doit-on) croire au diable ?

Après avoir été baptisé, Jésus se retire 40 jours au désert. Il y est tenté par le diable qui cherche à le soumettre et le séparer de Dieu. Alors que nous entendons ces textes au début du Carême, comment considérer celui qui est nommé l’Adversaire, le diviseur ou le Malin ? Comme un simple symbole ou comme une véritable créature ? Une émission Je pense donc j'agis présentée par Véronique Alzieu et Melchior Gormand.

Archange Michel et Satan Jugement dernier, Notre-Dame de Paris © Wiki CommonsArchange Michel et Satan Jugement dernier, Notre-Dame de Paris © Wiki Commons

Le diable, un sujet clivant

"J’ai longtemps cru que le diable désignait le mal en général, raconte Hervé, auditeur de RCF. Mais au moment des massacres au Rwanda, en 1994, j’ai appris qu’il s’agissait du pays comptant le plus fort pourcentage de baptisés dans le monde. Pour moi, il est devenu évident qu’il y avait quelqu’un derrière ces horreurs. Je crois que ce quelqu’un c’est le diable." Un sentiment que ne partage pas Junior : "C’est un peu facile de dire que le Mal est une force extérieure à nous ! Nous avons un libre arbitre et une conscience qui nous permettent de faire des choix. Et parfois on opte pour ce qui nous arrange le plus comme quand il est plus simple de mentir que de dire la vérité par exemple."

Le diable, un sujet clivant et souvent passionnel chez les croyants chrétiens. L’historien Nicolas Diochon spécialiste de la chasse aux sorcières, rappelle que la figure du diable s'est construite au fil des siècles. "Il apparaît pour la première fois dans l’Ancien Testament dans le livre de Job, précise-t-il. Autour de l’An Mil, le moine Raoul Graber s’essaie à la première description physique du diable et lui donne corps si j’ose dire. À partir du Moyen Âge, il est omniprésent en particulier dans l’art roman, et même au siècle des Lumières."

Pour moi, il est devenu évident qu’il y avait quelqu’un derrière ces horreurs. 

Un portrait-robot du diable dans la Bible ?

La Bible livre-t-elle un portrait-robot de Satan ? Certainement pas. L’adversaire, le diviseur, Belzébuth, Lucifer, le démon... les innombrables noms qu’on lui attribue témoignent de la difficulté à l’identifier. "La Bible est là pour parler de Dieu, explique le dominicain Adrien Candiard, pas pour construire une théorie du diable ou présenter un négatif de Dieu. Au fond elle ne dit rien de la nature du diable et les histoires d’ange déchu sont des théories infondées. La doctrine chrétienne ne s’est jamais beaucoup penchée sur la question. Elle préfère s’intéresser à Dieu."

"Sur la question du diable, un travail théologique est nécessaire, selon le pasteur Daniel Cassou. "Le mal vient faire obstacle à notre perception de Dieu mais il oppose aussi les individus. Dans les récits bibliques, Satan entreprend un travail de déshumanisation. Or le Christ vient nous réconcilier avec notre humanité et nous proposer un chemin de Vie." 

Qu’il existe des forces maléfiques qui peuvent nous tenter, pourquoi pas mais elles ne décident pas à notre place. 

 

Je pense donc j'agisFaut-il (ou doit-on) croire au diable ?

L’explication du Mal ?

"L’Église a toujours évité de faire du diable le responsable de nos choix, insiste Adrien Candiard. On ne peut pas dire « ce n’est pas ma faute, tout allait bien jusqu’à ce que le diable s’empare de moi ! » Qu’il existe des forces maléfiques qui peuvent nous tenter, pourquoi pas mais elles ne décident pas à notre place." 

D’après Nicolas Diochon, le diable a permis d’expliquer des catastrophes. "Certains anticléricaux pensent que le diable est une invention du clergé qui justifie les incohérences du dogme, ajoute-t-il. Et puis les fidèles ne pouvaient que croire au diable puisqu’il en était beaucoup question, notamment dans les prêches." 

En outre, avec ses yeux rouges, ses cornes et sa langue fourchue, il est terrifiant ce diable ! Et maintenir les fidèles dans la peur n’est-ce pas un ressort qui a aidé l'Église à asseoir son autorité ? Longtemps le péché fut synonyme de damnation éternelle au pays des ténèbres, en compagnie du Malin… "Tout de même, nuance Adrien Candiard, le diable du prédicateur n’est pas le diable du théologien ni le diable de l’écrivain. Si le diable est une représentation du mal il n’en est ni la clé, ni le fin-mot."

Rappelons que dans une immense majorité les cas de possession relèvent en réalité de troubles psychiques. Nous vivons avec nos blessures et nos échecs et nous disons bien que nous avons de vieux démons précise Daniel Cassou. 

Pour tenir à distance les forces du mal qui nous habitent tournons sans cesse notre regard vers le Christ. 

Se détourner du mal et se convertir au Christ

Après avoir reçu le baptême au début de sa vie publique, Jésus se retire au désert pendant 40 jours. Un temps de silence, de jeûne et de prière mais aussi un temps de tentation. Satan s’emploie à faire chuter Jésus qui sort vainqueur de cette lutte. "Pourtant le diable sait y faire, sourit Adrien Candiard. Pour piéger Jésus, il s’appuie sur les Écritures et lui offre le triomphe et la puissance." Malin le diable… !

Pour le pasteur protestant Daniel Cassou, la stratégie du diable consiste à vouloir séparer Jésus de Dieu, à les opposer à coup d’arguments théologiques. "Même vaincu, précise-t-il, le diable ne disparaît pas et Jésus doit le tenir à distance. Il en va de même pour nous. Pour tenir à distance les forces du mal qui nous habitent, tournons sans cesse notre regard vers le Christ." 

Le Carême est un temps privilégié pour cette conversion, cette réorientation. Et si le diable n’était qu’un personnage secondaire dans les Ecritures et dans la vie de foi? "Attention à ne pas tomber dans la fascination conclue Adrien Candiard. Il ne faut ni s’inquiéter ni se préoccuper outre mesure de ce personnage. Il n’a pas de pouvoir sur nous puisque le Christ l'a vaincu."

 


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