Icône, légende, cheffe de guerre ou prophète, Jeanne d'Arc alimente depuis des siècles toutes sortes de croyances, de dévotion mais aussi de récupération politique. Entre légendes et histoires comment dissocier le faux du vrai lié à cette figure du XVème siècle ? Philippe Contamine, médiéviste, historien et professeur émérite à la Sorbonne nous donnait quelques éléments de réponses avant de s'éteindre en janvier 2022.
Jeanne serait née le 6 janvier 1412 dans un petit village des Vosges, Domremy, composé de 40 familles, dont la sienne, qui vit de la culture des champs et de l'élevage. En 1425, Jeanne, dont on moque la dévotion, a une révélation : elle entend des voix et fait l'expérience d'apparitions.
"Il s'agissait d'aller trouver Charles VII et de le convaincre que sa mission était de Sauver le "saint royaume de France", c'est son expression, qui était en perdition puisqu'à ce moment-là, en 1428, la cité d'Orléans [...] était sur le point de succomber suite à un siège mené par les anglais et les bourguignons" recontextualise l'historien Philippe Contamine.
Jeanne identifiera les trois voix entendues comme étant celles de sainte Catherine, de sainte Marguerite et de saint Michel Archange. A seulement 17 ans, sa rencontre avec Robert de Beaudricourt, fidèle serviteur du roi, permettra à Jeanne de rencontrer Charles VII et d'entamer sa mission de sauvetage.
Le contexte historique dans lequel évolue Jeanne est très complexe. La fin du quatorzième et le début du quinzième sont marqués par la guerre de Cent ans, une guerre interminable entre anglais et français. Dans l'hexagone les rivalités et le contexte historique sont aussi compliqués à comprendre entre les bourguignons, le duché de Bretagne, qui fait parti du royaume de France mais qui a sa propre politique et la France de Bedford, celle de l'union des deux couronnes franco-anglaises sans oublier la France de Charles VII, que les anglais surnomment le roi de Bourges par dérision, celui-là même que Jeanne d'Arc fera sacrer à Reims en 1429.
Le 22 mars 1429, Jeanne d'Arc adresse une lettre sans détours aux anglais qui encerclent Orléans. Avec un aplomb étonnant, elle leur explique qu'ils devraient se rendre et se déclare cheffe de guerre. La levée du siège d'Orléans le 8 mai de la même année a eu lieu en grande partie grâce à la stratégie militaire de Jeanne d'Arc. "Elle dit que c'était là son signe" explique l'historien "c'est à dire une sorte de miracle qui atteste qu'elle est bien venue au nom de Dieu". La deuxième étape de ce "signe" étant de faire sacrer un roi de France à Reims, ce qui fut le cas avec Charles VII, le 17 juillet 1429.
Après la reprise d'Orleans et le sacre de Charles VII, Jeanne a un autre objectif reprendre Paris où Charles VII n'était pas particulièrement aimé. Certains lui reprochèrent d'avoir outrepassé sa mission ce qui lui valut les malheurs à venir. En effet, la reprise de Paris est un échec.
Alors que les anglais et bourguignons tentent de reprendre Compiègne, elle va au front pour défendre "ses bons amis de Compiègne" où elle pense refaire l'opération d'Orléans. Le 23 mai 1930, elle est faite prisonnière par l'un des capitaines de l'armée bourguignonne, Jean de Luxembourg.
Plutôt que de l'exécuter, ses adversaires préfèrent lui faire un procès d'inquisition afin de la disqualifier spirituellement. Premièrement, elle se prétendait envoyée de Dieu sans avoir fait de miracle explicite. Pour Jean de Luxembourg la levée du siège d'Orléans était un hasard de la guerre. Deuxièmement, elle prétendait être en habit d'homme au nom de Dieu, or, cela était interdit par les écrits bibliques, plus exactement le deutéronome dans l'ancien testament. Troisièmement elle aurait ranimé la guerre. "Si Orléans avait cédé peut-être qu'à ce moment-là, la paix franco-anglaise aurait régné à travers toute la France" explique Philippe Contamine. Enfin, la piété populaire qui l'entoure est mal vue, pire on l'accuse d'hérésie. "Le procès dure quatre mois, ce qui est très long pour un procès de cette époque là" souligne l'historien.
Jeanne d'Arc lors du procès dit "je me soumets en tout à l'Eglise sauf à mes voix". C'est cette phrase qui la condamnera. Elle considère que ses révélations sont un secret mystique entre Dieu et elle. "La formule "Dieu premier servi", ça veut dire que l'Eglise vient après" explique Philippe Contamine. C'est à cause de cela qu'elle sera condamnée comme schismatique "c'est à dire qu'elle a rompu son lien avec le corps mystique de l'Eglise". Avec plus de 20 griefs à son encontre elle est condamnée comme hérétique et conduit au bûcher. En 1455, le procès se réouvre et annulera son procès de condamnation.
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