Femmes exilées : une expérience différente de celle des hommes en migration ?
En partenariat avec REVUE PROJET
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À Paris aussi, on se prépare à célébrer la venue du pape à Marseille. un festival est prévu samedi 23 septembre à la Maison Bakhita. Cet espace de 1000 m2 flambant neuf, géré par le diocèse de Paris, est dédié à l'accueil des exilés - un terme que l'on préfère ici à celui de "migrant". Cours de français, crèche... Dans ce havre de paix, véritable lieu de ressourcement, des bénévoles accompagnent les réfugiés et les aident à s'intégrer.
Au sein de la Maison Bakhita, on préfère le terme "exilés" plutôt que "migrants" pour parler des personnes qui y sont accueillies. Inauguré en septembre 2021, ce lieu fraternel et spirituel créé par le diocèse de Paris se veut une mise en œuvre concrète de l'évangile de Matthieu : "J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli" (Matthieu 25-35). Dans cet espace flambant neuf de 1.000 mètres carrés au cœur de Paris, pas d’hébergement mais des cours de français, un atelier couture, une cuisine d’apprentissage ou une crèche. Et un mot d’ordre : soutenir l’accueil et l’intégration d’un public déraciné. À l'approche des Rencontres méditerranéennes (du 17 au 23 septembre), et de la Journée mondiale du migrant et du réfugié, le 24 septembre, Véronique Alzieu a poussé la porte de ce havre de paix.
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On s'affaire dans la cuisine de la maison Bakhita. Des apprentis préparent un buffet sous la houlette de leur formateur, Benjamin. Ces apprentis sont ce que l'on appelle communément des "migrants", mais ici, on préfère le terme d'exilés. Pour Isabelle Cauchois, la directrice de la maison, la nuance a son importance : "Le diocèse de Paris a choisi de rebaptiser la pastorale des migrants en pastorale de l'exil, explique-t-elle. Le terme de migrant a souvent une connotation négative et laisse entendre que l'on est de passage. Or, la majorité des personnes que nous accueillons ont véritablement envie de s'intégrer."
Et c'est pour favoriser cette intégration qu'est née la maison Bakhita, en réponse à l’appel du pape François du 21 février 2017 "d’accueillir, protéger, promouvoir et intégrer" toute personne migrante. Pour lui, il s’agit "d’un devoir de justice, de civilisation et de solidarité". L’Église de Paris a donc aménagé cette maison du XVIIIe arrondissement pour offrir un lieu de formation, de vie fraternelle, de services. Dans les trois étages que compte l’édifice sont aménagées des salles flambant neuves.
→ À LIRE : Quelle est la place de l'exilé ou du réfugié dans la pensée chrétienne ?
Il y a les salles où ont lieu les cours de français. Béatrice, une bénévole, consacre plusieurs heures par semaine à une dizaine d’élèves par classe désireux d’apprendre la langue de Molière. "Je n’ai jamais enseigné ! dit-elle. Mais nous avons de bons supports et puis nous improvisons selon leurs besoins. Ils sont très demandeurs et ils participent bien, c’est agréable."
Devant leur professeure amusée, la dizaine d’élèves réunis sont unanimes : le français est une langue difficile ! Hommes et femmes plutôt jeunes, venant d’Afghanistan, de Turquie ou de Tunisie, ils ont été orientés par les services sociaux de la Ville de Paris ou par des associations du quartier. Car dans le quartier cosmopolite de la Porte de la Chapelle, les personnes exilées sont nombreuses. Beaucoup sont en attente de régularisation et n’ont pas le droit de travailler. Pour celles qui ont des papiers, la situation est tout autre.
"On a du matériel super pro ! Ici l’équipement est incroyable et beaucoup des restaurants nous envieraient… La Maison Bakhita a vraiment bien fait les choses." Aidés de Benjamin, formateur en cuisine, les accueillis passent l’équivalent d’un CAP cuisine en six mois. "C’est en collaboration avec l’association Sawa que cette formation fonctionne, précise Isabelle Cauchois, et que les apprentis participent tous les dimanches à la distribution alimentaire d’invendus. De plus, un samedi par mois ils participent à un repas dans un resto associatif et à tour de rôle, ils sont chef d’un soir."
Ce jour-là, parmi les apprentis en pleine préparation d’un buffet commandé par un client pour le soir même, il y a Hamat, la quarantaine, d’origine égyptienne. "La cuisine, c’est une passion pour moi, explique-t-il concentré sur la confection d’une crème d’amande. J’apprends beaucoup ici et puis il y a un esprit d’équipe."
Une maman qui n’a pas de mode de garde pour ses enfants ne peut ni se former, ni apprendre le français, ni travailler
De l’autre côté du couloir, c’est une autre ambiance. Ça babille, ça piaille, ça saute et ça court ! Car au sein de la maison, une crèche a été aménagée. Anna et sa collègue, puéricultrices, s’affairent auprès des petits débordant d’énergie. "La crèche a été voulue dès le départ, explique Isabelle Cauchois. C’est un élément-clé de l’intégration car une maman qui n’a pas de mode de garde pour ses enfants ne peut ni se former, ni apprendre le français, ni travailler."
La crèche est gérée par Auteuil Petite enfance, une fondation des Apprentis d’Auteuil. Elle propose un accompagnement à la parentalité, en plus d’un mode de garde. "Elle est ouverte à tous, ajoute Isabelle Cauchois, ce qui permet à de jeunes cadres parisiens de nous confier leur enfant pour qu’il fasse très tôt l’expérience de l’altérité et de la diversité, avec une démarche plutôt militante."
Mais la priorité est laissée aux familles dans le besoin. Konaty suspend les gilets de Bintou et Fatoumata, 3 ans et 11 mois. Pendant que ses deux petites filles sont gardées au sein de la maison Bakhita, cette maman d’origine malienne peut aller suivre des cours de français tout près de là. "Ici, dit-elle, les enfants et les mamans sont très bien accueillis. Parfois quand je viens déposer mes filles le matin je n’ai pas mangé. Alors on me donne un déjeuner et on peut aussi utiliser les toilettes. Tout le monde est gentil avec nous."
Sainte Joséphine Bakhita incarne un parcours de résilience édifiant. Malgré les épreuves, plus terribles les unes que les autres, elle s’est toujours relevée, elle a toujours gardé l’espérance chevillée au corps...
Bakhita, le nom de cette maison, n’est pas dû au hasard. Première sainte du continent africain, Joséphine Bakhita (1869-1947) est née au Darfour. Enlevée lorsqu’elle était enfant, elle a connu de longues années d’esclavage et de souffrance. C’est en Italie, qu’en recevant une éducation et des conditions de vie dignes, elle a découvert la foi chrétienne et qu'elle est devenue religieuse.
Figure d’espérance et de réconciliation, Bakhita, dont la statue trône dans la chapelle, ne laisse pas indifférents ceux et celles qui poussent la porte de la maison. "Un jour, raconte Isabelle Cauchois, un monsieur regardait le support que nous avons à l’accueil et sur lequel figure le portrait de Bakhita. Il m’a demandé qui était cette Africaine, puis il s’est tourné vers sa femme et lui a dit : Tu as vu, elle est noire comme nous. J’ai trouvé ça très beau !" Pour la directrice de la maison, sainte Joséphine Bakhita "incarne un parcours de résilience édifiant. Malgré les épreuves plus terribles les unes que les autres, elle s’est toujours relevée, elle a toujours gardé l’espérance chevillée au corps et elle a pu pardonner à ceux qui l’ont faite souffrir."
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