Depuis dix-huit ans, Laurent de Cherisey œuvre au développement de l'association Simon de Cyrène, qui permet aux personnes cérébro-lésées de vivre en habitat partagé avec des personnes valides. Cultiver le vivre ensemble cela donne du goût à la vie. C'est même vital pour des personnes porteuses de handicap. Car ce dont elles souffrent le plus, nous dit l'entrepreneur social, c'est de solitude.
L'aventure Simon de Cyrène c'est près de 260 personnes handicapées et valides (salariés ou volontaires) qui cohabitent dans 25 maisons partagées. Le co-fondateur de l'association, Laurent de Cherisey, vient de publier un livre co-écrit avec Vivianne Perret, "Partager peut tout changer" (éd. Salvator, 2023). Alors que Pôle emploi déplorait récemment les quelque 50.000 postes vacants dans le secteur du médico-social, Laurent de Cherisey redit combien la rencontre avec l'autre fragile a "le goût de la vie" !
"Notre être se construit dans la rencontre de l’autre", rappelle Laurent de Cherisey. Le principe des maisons Simon de Cyrène c'est l'habitat partagé. Des jeunes volontaires y cohabitent avec des personnes qui ont eu de graves accidents. Chacun est indépendant, mais les moments de vivre ensemble sont "riches". Vivre ensemble, des mots forts qui prennent un sens concret, vital. "La plus grande souffrance de ceux qui sortent du coma est la solitude", explique Laurent de Cherisey.
Le parrain de l'association n'est autre que Philippe Pozzo di Borgo, le vrai héros du film "Intouchables" (2011), avec Omar Sy et François Cluzet. L'association illustre parfaitement le message du film, à la fois poignant et joyeux : "Quand deux êtres humains se font confiance et partagent leurs fragilités, ça donne une vie qui a beaucoup de goût !" Y vivre, résume Laurent de Cherisey, c’est faire "l’expérience collective du projet de société avec les plus fragiles". Aujourd’hui, 25 maisons existent à travers la France.
Cela fait dix-huit ans que Laurent de Cherisey travaille au service de l'association qu'il a co-fondée. Qu'est-ce qui l'a mené ici ? D'abord un grand voyage. Dans les années 2000, Laurent de Cherisey et son épouse Marie-Hélène ont pris une "décision radicale". Alors qu'ils étaient bien installés dans leur vie professionnelle - lui était chef d’entreprise et Marie-Hélène journaliste - ils sont partis avec leurs cinq enfants à la rencontre des "bâtisseurs d'espoir". Des hommes et des femmes entrepreneurs, qui œuvrent pour un monde plus juste. La famille a traversé les cinq continents et visité 21 pays. Ce qui a donné un livre, "Passeurs d'espoir" (éd. Presses de la Renaissance, 2005 et 2006). À son retour, Laurent de Cherisey a voulu lui aussi apporter sa pierre à l’édifice. Il a pris trois ans pour créer Simon de Cyrène.
C'est aussi l’histoire de sa sœur qui a conduit Laurent de Cherisey à se tourner vers la prise en charge du handicap. Adolescente, celle-ci a eu un grave accident de la route. Laurent de Cherisey a donc voulu venir en aide aux personnes cérébro-lésées. "C’est ma sœur qui a eu l’idée du nom de l’association", se souvient Laurent de Cherisey. Lors d’une réunion avec d’autres personnes en situation de handicap, elle a affirmé vouloir elle aussi aider, "comme Simon de Cyrène". Dans la Bible, il est celui qui aide Jésus à porter sa croix. Il questionne la réciprocité dans la relation.
Qu’est-ce qui a du goût dans nos vies quand on ne peut pas être efficace et rentable ?
Les maisons Simon de Cyrène sont un peu comme le "levain dans la pâte" : leur efficacité est peu visible, "elles n’ont pas de goût ni d’odeur mais elles ont la force de faire lever la pâte". Ces lieux “offrent le temps de vivre” tout en composant avec la souffrance. Y vivre, "c’est oser une relation qui fait du bien, qui a du goût mais qui ne fait pas de bruit".
Plus globalement, les maisons Simon de Cyrène questionnent la société : "Qu’est-ce qui a du goût dans nos vies quand on ne peut pas être efficace et rentable ?" interroge le co-fondateur de l’association. Pour lui, ces lieux de vie commune sont aussi et surtout l’occasion pour les jeunes de découvrir l’intérêt de se mettre au service des autres, de se rendre compte que "cet amour nous fait tellement de bien". Quand on demande à Laurent de Cherisey quel sens cela peut donner de passer une année à Simon de Cyrène, sa réponse est simple et rapide : "Ça a le goût de la vie !"
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