Alors que le débat sur l'avortement est relancé aux États-Unis, on a vu des rabbins de tendance libérale affirmer que le judaïsme est pro choice, c'est-à-dire pour le droit à l'IVG. Qu'en est-il vraiment ? Que disent la Bible hébraïque et le droit rabbinique au sujet de l'avortement ? La philosophe Noémie Benchimol plaide pour une juste approche des textes.
New York, Washington D.C., Los Angeles… Plusieurs villes des États-Unis ont vu ce mardi 3 mai des milliers de manifestants défiler au sujet du droit à l’avortement. Une vague de manifestations pro life ou pro choice suscitée par les révélations de Politico. Selon le site d'information américain, la Cour suprême pourrait en effet supprimer ce droit à l'avortement.
Parmi ceux qui ont pris récemment la parole au sujet de l'avortement, "de très nombreux rabbins américains", observe Noémie Benchimol. "Le plus souvent de mouvance réformée ou libérale", ils ont affirmé " que le judaïsme était pro choice, que le droit à l’avortement était pour les juifs à intégrer dans leur liberté de pratique religieuse ". Une prise de position qui "souffre du défaut du simplisme" déplore la philosophe auteure d’une thèse de sciences religieuses et droit talmudique à l’École pratique des hautes études (EPHE). Tout autant que les discours qui affirment que le judaïsme est pro life.
"Il n’y a pas d’interdit biblique explicite de l’avortement" mais tout se joue dans le "explicite". "Il y a bien un interdit d’avorter pour les rabbins, mais cet interdit est-il de source biblique ou rabbinique ? Ça, c’est débattu." Par ailleurs, si "le droit rabbinique il est contre l’avortement", il est "pragmatique" et admet une position de principe et prend compte des cas particuliers.
En ce qui concerne la fin de la vie et l'euthanasie, "c'est assez symétrique à la question de l'avortement". Il y a donc l'idée de la sacralité de la vie et l'interdit de la raccourcir. Mais là encore "la position de principe est nuancée" selon les cas.
"J’ai vraiment l’impression qu’il y a quelque chose de l’ordre du cherry picking, les gens vont sélectionner des sources qui les intéresse pour leur faire dire ce qu’ils ont envie." Ce pourquoi la philosophe Noémie Benchimol a récemment publié un "thread" sur Twitter (@noemie_issan), c’est-à-dire une série de messages, pour aborder la question du droit à l’avortement dans la Bible hébraïque et la Septante. "Une simple différence de traduction sur un mot entre deux corpus bibliques" peut "avoir des changements et un impact théologique vraiment important !"
Ne pas tordre les textes dans le sens que l’on souhaiterait, c'est l'un des "grands combats" de la chercheuse. Noémie Benchimol plaide pour "une approche sérieuse des sources, même quand ça fait plaisir ou ça fait pas plaisir".
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