Les inégalités se sont creusées en France pendant la pandémie. Dans une note récente, Attac France et Oxfam France ont montré comment la fortune des milliardaires français a augmenté alors que l'épidémie de Covid-19 a enfoncé d'autres personnes dans la précarité et la pauvreté. Devant le scandale des inégalités extrêmes, rappelons ce que dit la doctrine sociale de l'Église sur le partage et la propriété privée. Un positionnement "radical", explique l'économiste Elena Lasida.
La notion de partage est très importante pour les chrétiens. L'Église catholique l'a conceptualisée dans ce que l'on appelle la pensée sociale de l'Église, aussi appelée la doctrine sociale de l'Église (DSE). L'un de ses principes essentiels est la "destination universelle des biens". C'est-à-dire que pour les chrétiens, "les biens qui sont sur la terre ont été donnés par Dieu à tous les hommes et les femmes qui habitent la terre", explique l'économiste Elena Lasida, au micro de Véronique Alzieu (en 2018). "Cette création nous est donnée à tous parts à égale." Quelles conséquences sur la propriété privée ?
Si "l'Église reconnaît la légitimité du droit de propriété", précise Elena Lasida, "elle dit aussi très clairement que le principe de destination universelle des biens est premier sur le droit de propriété". Une position qui peut aller très loin, puisque selon la pensée chrétienne, être propriétaire d'un bien ne nous permet pas de le garder pour soi si cela empêche quelqu'un d'autre de vivre. En d'autres termes, si quelqu'un à côté de moi meurt de faim il a le droit de me prendre mon pain. "Ça peut aller même jusqu'à justifier le vol, ça dit la radicalité de ce principe de destination universelle des biens qui dit que les biens sont pour tous les humains."
L'Église dit très clairement que le principe de destination universelle des biens est premier sur le droit de propriété
La propriété privée, doit être, dans la pensée chrétienne, une manière de mieux gérer les biens sur terre. Elle est censée éveiller la conscience de chacun : tout propriétaire d'un bien est incité à se demander si ce qu'il possède ne mérite pas d'être donné à un autre. "De quelle manière ce que j'ai permet à d'autres de vivre également ?"
Au XXIe siècle, cette question est d'autant plus essentielle que les inégalités se creusent. Le rapport Oxfam du 16 janvier 2017 sur les inégalités, intitulé "Une économie au service des 99%", dit que "huit hommes possèdent autant que la moitié de la population mondiale". "C'est scandaleux, indécent, mais c'est ça le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui."
Un répartition plus équitable des biens, voilà qui renvoie à l'idée de justice. Sur ce point, on peut considérer deux notions : la justice distributive - une égale répartition des biens - et la justice contributive, que défend la pensée sociale de l'Église. Pour Elena Lasida, économiste et chrétienne, cette idée de justice contributive est "beaucoup plus intéressante que la justice distributive". Elle va au-delà des besoins matériels fondamentaux comme manger, s'habiller, se loger...
Selon un principe majeur de la dignité de la personne, la justice contributive reconnaît à chacun le droit d'être reconnu par l'autre comme quelqu'un "d'utile, de créateur". Pas seulement créateur de biens matériels, mais aussi d'être reconnu dans "ses potentialités". Reconnaître à chacun une capacité à recevoir mais aussi à donner, c'est aussi "donner à chacun le droit de ne pas être uniquement dans une posture de dépendant, d'assisté".
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