Dans le silence d'une nature à couper le souffle, fr. François Cassingena-Trévedy a marché en pèlerin dans le massif du Cézallier en Auvergne. Un chemin de conversion et de conversation avec les hommes et les femmes de ce rude pays, avec soi et avec Dieu aussi. Il a publié 'Cantique de l'infinistère' (éd. DDB), un livre étincelant, dont le texte s'élève comme un chant. Un ouvrage récompensé par le Grand Prix catholique de littérature, remis par L'Association des écrivains catholiques de langue française, ce mercredi 10 mai 2017.
Pour un moine, on croirait qu'il ne tient pas en place! Si saint Benoît n'avait donné au mot une acception négative, on le dirait volontiers gyrovague, c'est-à-dire moine solitaire et itinérant. Car fr. François Cassingena-Trévedy pérégrine beaucoup, en mer avec les marins du Croisic ou en Auvergne à la rencontre du monde paysan. Mais il se dit plutôt anachorète, car quand il marche c'est en portant la parole de Dieu et sa communauté de frères avec lui. Et, comme il aime à le rappeler, au sens littéral, le terme signifie monter et se déplacer.
Ce qu'il a vécu en Auvergne et qu'il raconte dans son livre, c'est une expérience de 'précarité', de 'rencontre avec les éléments' et de son désert intérieur. La marche vécue comme une appplication concrète des paraboles. 'Chacun de nous est habité par un désert, ce que j'appelle l'infinistère, chacun de nous en a besoin pour vivre.' Et il revient à chacun de le chercher. Pour fr. François, l'infinistère se trouve entre le Cantal et le Puy-de-Dôme, là où la nature est puissante.
Pour lui qui est moine, qui vit au rythme des messes et des offices depuis plus de 35 ans, il y a la liturgie officielle, celle que l'on appelle la liturgie des heures. Il y a aussi 'la liturgie cosmique', dit-il. 'Se laisser porter par le soleil qui se lève, qui se couche, par midi, par la pluie, par le vent, c'est une immense liturgie, c'est celle des Psaumes.' 'Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière'*, dit le psaume 95. Mais il y aussi les psaumes 148, 149 ou 150, qui invitent la création à la louange. Qui invitent à 'se trouver frère universel, en cohabitation pacifique avec les arbres, les pierres, l'eau'.
EXTRAIT - 'Cantique de l'infinistère - À travers l'Auvergne' (éd. DDB)
'Qu'on me pardonne cette assertion sacrilège, mais le sacré ne s'est installé ni à Jérusalem, ni à Rome, ni à Compostelle. Le sacré réside bien moins dans le but du chemin qu'il ne vagabonde pour ainsi dire dans le chemin lui-même, qu'il ne s'étire avec les caprices d'un ruisseau, avec la souplesse d'une couleuvre. Tout au long du chemin, il est dans chaque pas de l'homme qui marche.'
Fr. François Cassingena-Trévedy
Il a beau avoir été formé à l'École normale supérieure (ENS) de la rue d'Ulm, être expert en patristique orientale ou en histoire de la liturgie chrétienne, fr. François Cassingena-Trévedy se décrit comme n'étant pas un intellectuel. C'est que sa connaissance du monde, sa science, en somme, lui vient surtout de la contemplation. De ce lien ténu entretenu dès l'enfance avec les éléments: il parle d'un 'sacrement cosmique'.
Un enseignement, pourrait-on dire, qu'il a reçu dès les années 1970 entre le Cantal et le Puy-de-Dôme, quand il partait en vacances au cœur de l'Auvergne profonde, dans un monde paysan aujourd'hui rare, 'avec des anciens, des figures extraordinaires'. Il se souvient vers l'âge de 10 ans avoir été profondément marqué par ce monde-là.
Moine de l'abbaye bénédictine Saint-Martin de Ligugé depuis 1980, fr. François Cassingena-Trévedy est maître de conférences en théologie à l'Institut catholique de Paris (ICP) et auteurs de nombreux essais qui empruntent à la poésie, la philosophie et la théologie.
*Source: AELF
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