L'idéologie antisémite s'est nourrie de la notion de peuple élu, par laquelle on désigne les juifs. Il est nécessaire d'en comprendre le sens pour éviter de dangereuses interprétations.
Le peuple juif, peuple élu ? La question a soulevé au fil du temps bien des polémiques et suscité des interprétations plus que douteuses, parfois dangereuses puisque l'idéologie antisémite s'en est nourrie, au risque de passer à côté de l'essentiel. L'essentiel, c'est de se demander pourquoi dans les écrits bibliques Dieu entre dans une alliance particulière avec ce petit peuple d'Israël, qui n'était ni le plus fort ni le plus nombreux. Pour quelle mission ? Avec quel désir pour le monde qu'il a créé ? Le rabbin Philippe Haddad est habitué lors de ses conférences à parler du judaïsme à des assemblées peu familières de cette religion. À partir des textes bibliques et avec pédagogie, il met à mal les raccourcis qui peuvent vite déraper en préjugés.
'Le Créateur de toutes choses m’a donné un ordre, celui qui m'a créée a fixé ma demeure. Il m’a dit : “Viens demeurer parmi les fils de Jacob, reçois ta part d’héritage en Israël, enracine-toi dans le peuple élu.”' (Si 24, 8) En ouvrant la Bible, dans l'Ancien Testament, on découvre que Dieu se choisit un peuple qu'il appelle à une vocation particulière. Comment comprendre cette notion d'élection ? Elle a souvent été 'interprétée comme une supériorité raciale ou spirituelle', regrette Philippe Haddad, car cela a 'alimenté des fantasmes ou des haines', comme l'antijudaïsme ou l'antisémitisme. Ce pourquoi il reste 'nécessaire de clarifier ce que cette expression signifie dans la tradition juive et dans la cohérence de la Bible'.
'Élection' : aujourd'hui, le terme peut renvoyer à notre système démocratique ; on élit selon des critères bien précis, à travers des prix ou des concours, celui qui serait le meilleur, le plus beau ou le plus intelligent ; on parle enfin d'élection dans le langage amoureux, 'l'élu de mon cœur'. Laquelle de ces interprétations renvoie à la tradition juive ? Le rabbin propose une autre catégorie, et renvoie au contexte de la Bible et de la naissance du peuple d'Israël.
'Quand nous lisons la Bible, depuis la Genèse, nous avons 11 chapitres qui concernent l'histoire universelle, depuis Adam et Ève jusqu'à la naissance des peuples à Babel, où Dieu diaspore les langues, formant traditionnellement les 70 peuples, 70 familles de la terre.' L'histoire de l'un de ces peuples, celui d'Israël, commence au chapitre 12 de la Genèse, où il est dit : 'Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai.»' (Gn 12, 1)
Là où le mythe de Babel raconte comment l'homme non seulement a oublié Dieu mais a même voulu combattre Dieu, la naissance du peuple d'Israël sonne comme 'un retour au monothéisme fondateur'. Ainsi, 'la révolution d'Israël c'est la révolution du monothéisme'. Peuple élu car il a proclamé l'existence d'un seul Dieu.
'En proclamant un monothéisme, et qu'à l'origine il y a un seul homme et une seule femme, on fonde l'idée fondatrice de la Bible, c'est-à-dire la fraternité universelle.' Passé le XXe siècle et les plus grands crimes de masse, notamment vis-à-vis des juifs, il s'avère nécessaire de redire que cette 'élection' a des origines bibliques, qu'elle est celle d'un peuple qui a pour mission de 'porter ce message du monothéisme' d'une part et 'une vocation de bénédiction'. L'enjeu du 'peuple élu' c'est d'annoncer la fraternité.
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