L'Église catholique traverse une crise sans précédent. Partout dans le monde, face aux nombreuses révélations d'abus sexuels et d'abus de pouvoir, des hommes et des femmes qui lui faisaient confiance se trouvent déstabilisés, déboussolés, quand il ne l’ont pas déjà quittée. Répondant à l'appel du pape François au peuple de Dieu, Anne Soupa incite les catholiques à dépasser colère, résignation et tristesse. Elle publie "Consoler les catholiques" (éd. Salvator), où elle invite au courage, celui de regarder la réalité en face, au deuil car il faudra savoir quitter l'idée d'une institution puissante au temps d'une chrétienté dominante, mais aussi à la confiance pour avancer toujours et créer l'Église de demain dépositaire du trésor qu'est l'Évangile.
"Nous entrons dans des turbulences qui prendront sans doute une ou deux générations", selon la bibliste. Dans son essai, Anne Soupa cite la sociologue Danièle Hervieu-Léger qui compare "la crise gravissime qu'affronte aujourd'hui l'Église catholique" à la crise qui a eu lieu au XVIe siècle et qui a engendré la Réforme. Nous entrons dans le temps long de "la reconstruction d'une autre Église", pour Anne Soupa : "nous ne sortirons pas de la crise avant pas mal d'années".
"Consolez, consolez mon peuple" (Is 40, 1) lit-on dans la Bible. C'est en bibliste qu'Anne Soupa observe la crise qui traverse l'Église. "Je n'oublie jamais que la Bible est ma seconde mère et que dans la Bible, les prophètes consacrent d'importants développements au thème de la consolation." Selon elle, le thème de la consolation tel qu'il est abordé dans l'Ancien Testament constitue "un trésor" qui peut nous aider à "adopter une attitude digne, humaine et constructive devant cette crise".
Dans la Bible, Rachel, une très grande figure de l'Ancien Testament, ne veut pas qu'on la console. "C’est Rachel qui pleure ses fils ; elle refuse d’être consolée, car ses fils ne sont plus." (Jr 31, 15) Pour Anne Soupa, Rachel est "dans le refus de la réalité : elle veut repartir vers le passé, vers le temps du bonheur, elle voudrait revenir en arrière, d'une certaine façon elle nie le temps qui passe, or Dieu se révèle dans le temps..." Rachel symbolise une sorte de déni, son cri est celui "de quelqu'un qui ne veut pas regarder devant, qui ne veut pas faire le deuil".
Un peu comme Rachel, "quand nous avons un deuil qui tombe dessus nous commençons par refuser". "Je crains qu'une partie de notre Église, et même les décideurs actuels de notre Église soient un peu dans cette atitude", confie Anne Soupa. "La grande Église d'hier, celle qui animait nos campagnes, des célébrations avec des foules : c'est cette Église-là dont il faut faire le deuil... les temps ont changé, nos sociétés se sont ouvertes au pluralisme religieux et la chrétienté au sens historique du mot est morte, mais nous continuons à avoir des réflexes de chrétienté." Quand la bibliste parle de "faire le deuil de quelque chose qui déjà ne vit plus", elle désigne "un type d'organisation" qui lui semble "inadapté au monde d'aujourd'hui" et "au monde de demain".
"L'essentiel c'est la vie, l'Évangile est parfaitement vivant !" La crise de l'Église se superpose en France à un mouvement de fond qui est la déchristianisation, qui se manifeste notamment par le manque de prêtres et une baisse de la pratique religieuse. Or, il y a un trésor au cœur de cette Église, nous dit la bibliste : l'Évangile, qui est "la révélation d'un amour... et on ne fait rien dans sa vie si on ne sait pas qu'on est aimé".
"Si les catholiques savaient pleinement qu'ils sont aimés, ils n'auraient pas peur : l'Évangile offre la certitude de la présence de Dieu." Pour Anne Soupa, "la crise actuelle, en nous faisant perdre les souvenirs du passé d'une grande Église, nous fait aussi prendre conscience de ce qui est essentiel et qui ne nous sera jamais dérobé : qui est l'Évangile".
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