Depuis le Mercredi des Cendres le 14 février, les catholiques vivent le temps du Carême. Un temps de jeûne et de pénitence, qui symbolise la traversée de Jésus et du peuple hébreu dans le désert et qui doit préparer à la joie de Pâques et la résurrection du Christ, 46 jours plus tard. Si les catholiques suivent ce temps de cheminement en jeûnant, en priant ou en faisant l’aumône, qu’en est-il pour les protestants ?
Ne plus manger de viande ou de plats riches pendant 40 jours, prier davantage ou redoubler de générosité avec son prochain… Telles sont les résolutions que prennent certains catholiques pendant le temps du Carême. Des pratiques encore marginales chez les protestants, qui ne suivent pas de véritable liturgie et pour qui le Carême n’est donc pas de mise.
« Dès le début du protestantisme, les protestants ont refusé cette période de Carême », explique dans une vidéo Florence Bondon, pasteure au temple de l’Etoile à Paris. En effet, longtemps les protestants ont considéré le Carême comme « une mise à l’épreuve qu’on s’impose comme pour plaire à Dieu ». Or « Dieu n’a pas besoin de cela, pas besoin d’essayer de s’affliger pour entrer dans les bonnes grâces de Dieu, parce que nous sommes déjà sous la grâce de Dieu », résume la pasteure.
Ce temps rituel a donc été plus ou moins mis de côté selon les traditions. Il est resté chez les Luthériens, alors que les Réformés l’ont vivement rejeté. Un rejet incarné par « l’affaire des saucisses », associée au début de la Réforme protestante à Zurich, en 1522. Cette année-là, des habitants de la ville suisse mangèrent des saucisses sèches en plein Carême. Face au scandale provoqué par ce geste, le réformateur Ulrich Zwingli prit alors la défense de ces personnes qui mangeaient de la viande pendant le Carême.
500 ans plus tard, la divergence entre protestants est restée sur le sujet du Carême. Certains le respectant plus ou moins, ou détournant la démarche initiale de jeûne. « Pour les protestants, il ne s’agit pas de jeûner, de faire maigre ou de s’auto flageller. Mais au contraire, c’est une sorte de chemin, de prière pour aller vers Dieu », explique Florence Bondon. « Pendant ces quarante jours, on peut prier, lire la bible, essayer de se connecter à Dieu d’une manière un peu différente du reste de l’année », suggère-t-elle.
Tout en rappelant la liberté de chacun à faire ce qu'il juge bon, la pasteure souligne l'intérêt de la dimension rituelle du Carême. Un aspect rituel peu présent dans le protestantisme, mais qui permet selon elle de rythmer la vie des croyants.
D’autres au contraire s’interrogent sur l’intérêt de n’avoir ces comportements qu’à un moment précis de l’année. C’est le cas d’Andréas Braun, pasteur de l’Eglise protestante unie de Talence. « A quoi bon jeûner si l'époux est avec les mariés ?, s’interrogeait-il sur RCF Bordeaux. Comme le Christ n'est pas ressuscité seulement le jour où on célèbre Pâques, il ressuscite chaque jour dans ta vie ». Pour lui, introduire une période de Carême de manière officielle serait de toute façon compliqué tant « la foi protestante calviniste a déjà du mal à se structurer autour d’une année liturgique ».
Il vaut mieux s'abstenir de jeûner que de le faire pour de mauvaises raisons
Pour les Eglises protestantes, le plus important est de donner un sens à cette démarche. « Dans le carême on peut découvrir un peu plus la volonté d’accentuer une vie dans la sobriété et de trouver du sens au renoncement à plein de choses que nous consommons », souligne Andréas Braun, bien que conscient que ce ne soit pas propre au religieux. Surtout, cela ne doit pas se limiter à quarante jours, selon lui.
Invité dans la même émission sur RCF Bordeaux, le pasteur de l’Eglise évangélique libre de Pessac, Pierre Lacoste, incitait à faire Carême pour les bonnes raisons. « Jean Calvin disait à propos du Carême, du jeûne en général, qu’il vaut mieux s'abstenir de jeûner que de le faire pour de mauvaises raisons », rappelle-t-il. Pour lui, « le jeûne n’est pas un moyen de mériter le salut ».
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