C'était une première. Vendredi 23 septembre, s'est tenue à Paris la "soirée des influenceurs catholiques". Une quarantaine d'hommes et de femmes de tous âges, prêtres, religieux et laïcs, se sont réunis au siège de la Conférence des évêques de France. Des croyants qui annoncent leur foi sans filtre et sans complexe sur TikTok, YouTube ou Instagram. Rencontre avec des influenceurs de plus en plus suivis, dont le nombre d'abonnés ne cesse de grandir.
"Vous êtes là parce que vous êtes catholiques, engagés dans la vie de l'Église, avec un minimum d’influence et d’activité sur les réseaux sociaux. Vous avez à cœur d’évangéliser et que le Christ rayonne." C’est sur ces propos de Frère Paul-Adrien d’Hardemare que s’est ouverte vendredi 23 septembre la première soirée des influenceurs catholiques. Le dominicain comptabilise plus de 20.000 abonnés sur Instagram, 37.000 sur TikTok et 95.000 sur Youtube. Cet été, M6 lui a consacré un reportage. C’est lui qui a eu l’idée de cette soirée.
L’objectif annoncé était que les influenceurs se rencontrent et que les médias s’emparent du sujet. Le phénomène des influenceurs catholiques est encore émergent. Aussi cette soirée a-t-elle suscité la curiosité des journalistes du Monde, de La Croix ou de Famille chrétienne… Parmi les chrétiens, ce sont surtout les évangéliques qui tiennent le haut du pavé quand il s’agit d’utiliser les réseaux sociaux pour annoncer le Christ. Cependant les chiffres progressent, ils sont plusieurs à s’en étonner, comme Sœur Albertine Debacker, enseignante et membre de la communauté du Chemin neuf.
Quand on parle d’influenceurs, on pense surtout à des hommes et des femmes qui vivent de leur production de contenus sur internet - des contenus lifestyle, comme la mode, le maquillage, le sport ou l’alimentation, mais il y a aussi des influenceurs militants. À partir de 30 à 40.000 abonnés, on peut commencer à "monétiser", a rappelé Émile Duport de l’agence Progressif Media, lors de la soirée. Reste que "sur les contenus politiques ou religieux, la monétisation est très faible", a-t-il précisé. Mais au-delà des questions matérielles, peut-on parler "d’influence" quand il s’agit de transmettre la foi ? Ces deux termes font-ils bon ménage ? Le Frère Paul-Adrien d’Hardemare ne se définit pas lui-même comme "influenceur"...
L’enjeu avec internet est de dépoussiérer l’Église et "les évêques sont très demandeurs", au dire de Frère Paul-Adrien d’Hardemare. Les influenceurs catholiques présents vendredi 23 septembre à la Conférence des évêques de France ont eu droit aux encouragements de Mgr Lucio Adrian Ruiz, le secrétaire du dicastère pour la communication, intervenu en visioconférence en direct de Rome. Il a salué leur "créativité" et leur "esprit missionnaire". "Les réseaux sociaux, c'est vraiment une activité missionnaire, a-t-il déclaré, vous êtes l'icône du courage et de la créativité."
Les influenceurs sont aux "périphéries existentielles", selon Mgr Ruiz. D’ailleurs ils en témoignent, les questions que leur posent les internautes montrent une grande curiosité à l'égard du catholicisme. Et nombreux sont les abonnés qui expriment une véritable quête spirituelle. Phénomène de société ou simple effet d'internet ? Sur les réseaux sociaux, "les besoins de survivre et de s’épanouir", qui sont "les deux besoins fondamentaux des êtres humains", sont "exacerbés", selon Émile Duport. À la question : combien d’entre vous ont reçu des témoignages de conversion ? environ la moitié des influenceurs présents vendredi ont levé la main. Ainsi le Père Thierry Louis Lacomblez, curé de paroisse, voit sa "communauté sur les réseaux sociaux" grandir "énormément".
"On sait que l'on peut vous recommander, vous faites partie des gens vers lesquels je renvoie régulièrement", a dit Frère d’Hardemare aux influenceurs présents vendredi dernier. Il soulevait ainsi une question cruciale : les influenceurs catholiques parlent-ils au nom de l’Église ? Comme l’a dit Mgr Ruiz, "l’Église prend le risque de se blesser" en allant sur les réseaux sociaux, en allant "aux périphéries" parler le langage de nos "contemporains"... Le risque aussi de faire entendre ses désaccords. Ainsi le Père Matthieu Jasseron (qui n'était pas présent à la soirée des influenceurs catholiques), suivi par plus d'un million d’abonnés sur TikTok, avait en août 2021 suscité la polémique avec des propos sur l’homosexualité.
Parmi les influenceurs catholiques il n'y a pas que des prêtres et des religieux, il y aussi des laïcs. Ils ont à cœur de témoigner de leur foi et renvoient les internautes vers des prêtres quand ceux-ci leur posent des questions précises - des questions souvent inattendues sur les interdits et ce qui est autorisé dans la religion chrétienne.
Présentes lors de la soirée des influenceurs, des mères de famille, comme Florence Givelet, du compte extra.ordinary.mum, qui témoigne sur sa vie de maman d'enfant handicapé, ou Inès d'Oysonville, auteure pour la jeunesse. Sur internet, elle évoque ses livres et raconte le quotidien d’une mère de famille sur un ton décalé. Pour montrer que "les cathos ont de l'humour".
C'est le dialogue interreligieux qui anime Janvier, de l'association Fide. Lui qui a grandi entouré d'évangéliques et de musulmans, aime dialoguer sur internet et "confronter nos divergences dans le respect et l’amour du prochain".
Il y a aussi ceux qui sont passionnés par la communication et qui aiment publier des vidéos. Comme Alexandra, qui anime le compte La pause Catho. La jeune femme a fini par montrer son vrai visage sur les réseaux sociaux : "les gens voulaient savoir" qui elle est. Montrer son visage c'est aussi "humaniser ses messages", montrer que l'on est "comme tout le monde". Mais si elle s'est lancée sur les réseaux sociaux, ce n'est pas pour se mettre en avant, "c'est pour le Seigneur", dit-elle. L'influenceuse, qui a par ailleurs lancé sa collection de tee-shirts, a fait le choix de n'accepter aucun partenariat financier avec les marques. "Je ne veux pas tomber dans du business."
La soirée des influenceurs catholiques a aussi réuni des petits nouveaux. Paul Delafosse un jeune étudiant en communication, vient de créer le compte Amen. Il est déjà suivi par un millier d'abonnés mais espère développer son audience. Il a même pris une année de césure pour s’y consacrer.
Le monde des influenceurs catholiques est en ébullition. Un phénomène que l'Église suit avec attention et sur lequel elle compte bien s'appuyer à l'avenir. "Soyez attentifs, quelque chose est en train de bouger dans l’Église, a déclaré Mgr Ruiz aux influenceurs, on va faire quelque chose avec tous les influenceurs du monde."
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