75 ans après, une chapelle bretonne retrouve son toit
En partenariat avec LA SAUVEGARDE DE L'ART FRANCAIS
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Au cœur de Reims, la chapelle Foujita surprend et interroge le visiteur. Œuvre d'art totale, elle mêle des références à l'architecture bretonne et japonaise et à l'art roman. Elle est le témoignage de foi d'un artiste phare des Années folles converti au catholicisme.
La ville de Reims est connue pour ses chefs d'œuvre d'architecture sacrée que sont la cathédrale Notre-Dame et la basilique Saint-Remi. Moins imposante, la chapelle Foujita, située en plein cœur de la ville. C'est le grand œuvre d'un artiste porté par sa foi que RCF vous propose de redécouvrir à l'occasion de la programmation spéciale Pâques en direct du monastère de Saint-Thierry (Marne).
Tsugouharu Foujita (1886-1968) est un artiste franco-japonais des Années folles, installé à Paris en 1910, dans le quartier Montparnasse. Il figure parmi les grands noms de l’expressionnisme et de l’École de Paris, avec Soutine, Modigliani ou Matisse. Converti au catholicisme après avoir vécu une expérience mystique dans la basilique Saint-Remi de Reims, il a été baptisé en 1959. Il a pris pour nom de baptême Léonard, en l'honneur du bienheureux Léonard Kimura, martyr du Japon.
S’il est connu pour sa peinture, Foujita, qui a aussi été photographe, cinéaste et styliste, a déployé des talents d’architecte pour cette chapelle dédiée à Notre-Dame de la Paix bâtie entre 1965 et 1966. Dans une période de renouveau de l’art sacré, l'artiste a tenu, après son baptême, à "s’investir sur le terrain de l’art religieux". Et ce avec le secours de son ami et parrain de baptême René Lalou, président directeur de la maison de champagne Mumm. "Cette chapelle est vraiment l’un des événements majeurs de sa carrière d’artiste", souligne David Liot, directeur du musée des beaux-arts de Reims de 1999 à 2015, et spécialiste de l’œuvre de Foujita.
On ne sait pas si on est en Bretagne, si on est dans le sud-est de la France ou si on est au Japon !
L’édifice a beau être situé au cœur de la ville de Reims, "on ne sait pas où on est finalement !" admet David Liot. Entourée d’un jardin sur un terrain qui appartenait à la maison de champagne Mumm, la chapelle Foujita, classée aux Monuments historiques en 1992, a de quoi intriguer le visiteur. "Cette chapelle est vraiment étonnante par son architecture, on ne sait pas si on est en Bretagne, si on est dans le sud-est de la France ou si on est au Japon !"
Les dessins préparatoires que l’artiste destinait à l’architecte montrent l’importance que Foujita accordait non seulement à la chapelle "mais aussi à tout ce qui l’accompagne", nous dit David Liot. Ainsi, le chemin de pierres qui mène à l’édifice, et qui fait penser aux jardins japonais, "dit l’importance du lien entre le dedans et le dehors ".
Les édicules autour de la chapelle font écho à ceux qui entourent les temples shinto, au Japon. Pourtant, le calvaire qui accueille le visiteur est tout droit inspiré des… calvaires bretons ! Et sur la croix, ce n’est pas le Christ que l’on voit mais un enfant : Jésus enfant, représenté habillé, avec une longue robe. "On est très, très étonnés, perplexes voire amusés quand on voit ce calvaire", admet David Liot.
Ce calvaire "interroge sur la manière de représenter le Christ". Dans sa correspondance, Foujita confie qu’il a voulu "réinventer la question du Christ en souffrance", révèle le spécialiste. L’artiste a finalement opté pour une représentation du Christ en "un enfant très doux qui s’apparente à une poupée, qui pourrait rappeler les enfants dans les mangas..."
Ce qu’il aime, c’est cette architecture assez simple, assez brute, qui finalement impose une certaine sérénité
Foujita, "ce qu’il aime, décrit le spécialiste, c’est cette architecture assez simple, assez brute, qui finalement impose une certaine sérénité. Il n’aime pas ce qui est surchargé, ce qui serait trop opulent." Avec ses décors très géométriques, la chapelle Foujita est un bel exemple revisité d’art roman. L’artiste avait pour "modèles les chapelles romanes bretonnes ou les chapelles romanes du sud de la France". Foujita "mélange un petit peu tout ça. Il y a dans la démarche générale quelque chose de l’ordre de la Bretagne. Mais dans l’esthétique de la chapelle bien évidemment, là, on est plutôt du côté du sud-est-de la France ou de l’Italie, d’ailleurs !"
Foujita s’inscrit pleinement dans le mouvement régionaliste de l’entre-deux-guerres. Un mouvement qui a été "très présent à Reims notamment dans sa reconstruction", souligne David Liot. Au cours de cette période, "on va mythifier les régions françaises, on va mythifier les architectures des régions françaises".
Et à l’extérieur comme à l’extérieur, chaque détail a été soigneusement pensé par l’artiste. C’est une œuvre d’art totale et l’œuvre complète d’un seul homme, dont il a été "le chef d’orchestre". Œuvre d’art sacré, la chapelle Foujita est aussi un témoignage de foi.
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