Doit-on tout quitter pour accéder à une vie pleinement vivante, telle que Jésus la promet ? Faut-il laisser maison, mari, femme, enfant, et donner "tous ses biens aux pauvres" pour suivre le Christ ? L’Évangile de ce dimanche est difficile à entendre. Les disciples eux-mêmes sont déconcertés devant un Jésus qui fait l’éloge du vide. Explications du Père Sébastien Antoni, prêtre de la congrégation des Augustins de l’Assomption.
Évangile du dimanche 13 octobre (Marc 10, 17-30)
Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. »
Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.
Source : AELF
Qui est cet homme qui court vers Jésus, pressé de savoir que faire pour avoir la vie éternelle ? S’il reconnaît en Jésus un maître de bonté, visiblement, "il n’a pas compris son message", dit le Père Antoni. "Il semble que dans sa vie, il y ait un vide, quelque chose qui ne soit pas complet", pour le Père Antoni. Car aspirer à la vie éternelle c’est désirer "une vie pleine, totale".
La réponse de Jésus est d’abord un peu déconcertante : lui qui guérit et qui fait des miracles déclare : "Personne n’est bon, sinon Dieu seul." C’est là une invitation à voir au-delà des gestes et des paroles, aussi belles soient-elles. "Pour découvrir véritablement en quoi Dieu révèle sa bonté et en quoi Jésus dit quelque chose de Dieu, il faut dépasser le vernis de ce que l’on voit, explique Sébastien Antoni, Dieu n’est pas dans la séduction."
Dieu ne regarde pas ce que l’on a fait pas fait, si on a des vies zéro défauts, il s’en fiche de nos CV, ce qu’il regarde c’est nos désirs…
Cet homme qui vient trouver le Christ est un homme juste, un pratiquant, il suit les dix commandements. Et c’est déjà beaucoup de les suivre à la lettre ! Pourquoi donc ça ne lui suffit pas ? "La vie éternelle n’est pas une somme de choses à faire dans le bon ordre et comme il faudrait le faire, explique le Père Antoni, c’est bien mais ça ne suffit pas."
"Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima", dit l’évangéliste. Il décrit ici l’attitude de Dieu à notre égard. "Dieu ne regarde pas ce que l’on a fait pas fait, si on a des vies zéro défauts, il s’en fiche de nos CV, ce qu’il regarde c’est nos désirs…" Ce qui compte c’est notre élan vers Dieu. "Cet élan suffit !"
Cette parole de Jésus est "vertigineuse", admet le Père Antoni. "Et ça fait peur parce que finalement, c’est se reconnaître pauvre soi-même." Le message que le Christ envoie en effet, peut e comprendre comme : Une fois qu’on a tout donné, on dépend des autres.
Il s’agit essentiellement de "reconnaître que l’on a besoin de Dieu". "Ce n’est pas à la force du poignet, de ses bonnes résolutions, de ses convictions, qu’on va s’approcher de Dieu, mais en acceptant de recevoir de Dieu parce qu’on se reconnaît soi-même comme étant pauvre." En somme, ce qui manque à cet homme pressé de l'évangile, c’est de manquer.
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