"Aimez vos ennemis." On trouve ici la parole la plus originale de Jésus. Et sans doute la plus déconcertante ! Comment la comprendre ? On pourrait dire qu'il ne s'agit pas d'avoir de l'affection pour son ennemi mais de lui souhaiter du bien parce qu'il est aimé de Dieu. D'ailleurs, la bibliste Corinne Protais nous le rappelle, la mission du chrétien est de faire triompher le bien...
Évangile du dimanche 19 février (Mt 5, 38-48)
Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.
En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Source : AELF
Le texte de l’évangile de ce dimanche fait partie de ce que l'on appelle le discours sur la montagne, qui commence avec les béatitudes. Il faut entendre ces paroles comme une invitation au bonheur : c’est la toile de fond de que dit Jésus. Dans les versets précédents, il était question de l'interdiction du meurtre, de l'adultère et du parjure, une référence aux dix commandements. Ici on parle de la loi du talion. "La loi du talion elle avait pour but de limiter la violence", d’éviter la violence. "Mais Jésus veut aller plus loin", nous dit Corinne Protais bibliste, membre de la communauté du Chemin neuf.
"Si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre." Cette phrase fait souvent sourire tant elle paraît illogique. Interprétée au premier degré, elle fait passer les chrétiens pour des personnes sans volonté. Qu’a donc voulu dire Jésus ? La bibliste souligne que Jésus lui-même a reçu une gifle au moment de sa Passion. Et qu'il n’a pas tendu l’autre joue (Jn 18, 23). "Mais il a demandé à l'autre de réfléchir à son acte." Ainsi, Jésus ne dit pas de se laisser faire : "Ce qu'il demande, c'est d'avoir une non-violence qui soit active."
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En tendant l’autre joue, je casse la logique du mimétisme - tu me frappes, je te frappe – "et je pousse l'autre à aller un petit peu jusqu'au bout, de réfléchir en forçant le trait", selon Corinne Protais. Tendre l’autre joue, "c'est pousser l'autre en lui disant : je ne réponds pas par la violence mais je me tiens debout devant toi et je t'invite à réfléchir au geste que tu poses". La bibliste nous rappelle que le chrétien a pour mission de "faire triompher le bien" et "d'aider l’autre à se convertir"...
Aimer ses ennemis. Pour l’historien des religions David Flusser, qui était juif et qui s’est beaucoup intéressé à Jésus, on trouve ici la parole la plus originale de Jésus. Elle semble en tout cas la plus déconcertante de toutes ! Peut-on aimer ses ennemis ? Le verbe aimer ne signifie pas avoir de l’affection pour son ennemi. Mais on peut lui souhaiter du bien. Mon ennemi est aimé de Dieu et "ne se réduit pas à son mal, à sa méchanceté". Pour la bibliste, Dieu veut que nous voyions ceci : "Il y a en [mon ennemi] une capacité au bien, à l’amour."
Cette générosité parfaite que décrit le Christ n’est pas tant un commandement qu’une "vision de ce à quoi on aimerait tendre si on veut être heureux". "Et comme on en peut pas être heureux tout seul, je ne peux pas être vraiment heureux si je ne peux pas être avec l’autre, qui, pour l’instant m’apparaît comme le méchant. Il faut que j’aille jusqu’au bout avec lui pour pouvoir établir ce bonheur."
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