Dans l'évangile de Jean, que nous lisons ce dimanche, c'est comme si nous entrions dans l'intimité de la relation d'amour entre Jésus et Dieu, qu'il appelle son "Père". Jésus lui confie ses amis disciples, qui, comme lui, ont besoin de sa force et de son souffle pour traverser le tragique de l'existence. Une grande prière qui prend en elle toute l'humanité.
Évangile du dimanche 12 mai (Jn 17, 11b-19)
En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie.
Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »
Source : AELF
Au cours du temps pascal, cette période de cinquante jours entre Pâques et la Pentecôte, on se penche notamment sur le très long discours que prononce Jésus dans l’évangile de Jean, des chapitres 13 à 16. Après avoir célébré la Résurrection, les fidèles ont été invités à relire ce que les commentateurs désignent comme le testament spirituel du Christ.
Ce dimanche, l'évangile fait immédiatement suite à ce long discours de Jésus. Au tout début du chapitre 17, il y a une "rupture", commente le Père Jean-Pierre Lémonon, bibliste et historien. Rupture marquée par la formule : "Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit…" (Jn 17, 1). À ce moment-là, Jésus n’adresse plus un discours à ses disciples mais il entre en prière avec Dieu, devant ses discipes.
C’est vraiment un texte après Pâques... Une longue méditation de Jean sur comment Jésus est-il encore présent aux siens alors qu’il n’est plus dans ce monde
Là, où, chez les synoptiques (c’est-à-dire les évangélistes Luc, Matthieu et Marc), on dit que, pour prier, Jésus se retire dans le désert ou sur la montagne, ici il prie en présence de ses disciples. Mais une question se pose : Jésus est-il vraiment là, présent, ou déjà parti rejoindre son Père ? En lisant le texte, on a en effet de quoi se poser la question.
"Toute cette prière va être orientée vers la séparation et la présence de Jésus", décrit le bibliste. Il y a bien "une tension" dans cet évangile. Jésus a des paroles qui laissent croire qu’il est déjà ailleurs, comme : "maintenant que je viens à toi" ou "je leur ai donné ta parole".
L’évangile de Jean a été écrit bien après la Résurrection. Cette tension qu’on peut lire entre le Jésus terrestre et le Jésus ressuscité, c’est "la rencontre du temps et de l’éternité", interprète Jean-Pierre Lémonon. Pour le bibliste, "c’est vraiment un texte après Pâques. Il y a des éléments dans ce texte qui viennent de Jésus de Nazareth mais c’est quand même une longue méditation de Jean sur comment Jésus est-il encore présent aux siens alors qu’il n’est plus dans ce monde."
Quand Jésus s’adresse à Dieu comme à son "Père", cela correspond à une longue tradition qui existe dans le judaïsme "de la paternité de Dieu", rappelle Jean-Pierre Lémonon. Ce qui est nouveau avec Jésus c’est d’appeler Dieu "Abba", comme il le fait dans l’évangile de Marc : "Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe." (Mc 14, 36)
Mais lorsque Jésus prononce le mot "Abba", c'est-à-dire "Papa", cela dit la "proximité extraordinaire" qu’il y a entre Jésus et Dieu son Père. "Si Jésus ne l’avait pas lui-même employé on ne voit pas comment ses disciples aurait pour se permettre une telle familiarité avec Dieu." Il faut lire cette prière de Jésus adressée à un Père plein de tendresse, nous dit le bibliste.
En voyant Jésus prier et s’adresser à son "Père", les disciples sont témoins de l’intimité de leur relation. "Cette intimité, Jésus la souhaite aussi pour ses disciples", explique Jean-Pierre Lémonon. Et il désire que ses disciples restent "unis".
Mais en quoi les disciples sont-ils unis puisque l’un d’eux, Judas, a trahi ? Pour tenter de comprendre cette "figure énigmatique", il faut se mettre dans la peau des premiers chrétiens. "Ils sont allés relire l’Écriture, nous dit le bibliste, et on voit que dans les Psaume est annoncé la trahison de l’ami. Judas devient celui qui a été annoncé dans les Psaumes comme le traître, c’est un phénomène de relecture."
Relire les Écritures, c’est d’ailleurs ce à quoi Jésus ressuscité ne cesse d’encourager ses disciples lors de ses apparitions. "Jésus, dans de nombreuses circonstances n’a fait que renvoyer à la tradition d’Israël, nous dit le bibliste, quand on était surpris de son comportement."
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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