[Évangile du deuxième dimanche de Carême] La scène de la Transfiguration

Évangile du dimanche 16 mars (Lc 9, 28-36)

Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.

Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. 

Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : "Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie." Il ne savait pas ce qu’il disait. 

Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.

Et, de la nuée, une voix se fit entendre : "Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le !" Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.

Source : AELF

En ce deuxième dimanche de Carême, la liturgie catholique propose le récit de la Transfiguration. Un épisode célèbre de la vie de Jésus que les trois évangélistes Luc, Marc et Matthieu ont rapporté. Il s’agit d’une scène étrange et mystérieuse qui tout à coup surgit dans les textes, avec un style différent. Une scène "à décoder absolument", soutient le Père Daniel Duigou, psychanalyste et ancien curé de la paroisse Saint-Merry à Paris. Cette révélation en haut d’une montagne, avec ses références nombreuses à l’Ancien Testament, est un texte d’anticipation de Pâques et la résurrection de Jésus. Quel est le message de la Transfiguration ?

Qu’est-ce que la Transfiguration ?

La Transfiguration, c’est ce passage célèbre de la vie de Jésus où trois de ses disciples le voient changer de visage. Et apparaître dans une "blancheur éblouissante". Jésus "se révèle dans une nouvelle identité, commente Daniel Duigou. Il est homme et il est en même temps Dieu". Jésus révèle donc sa divinité lors de la transfiguration. Une scène qui fait l’objet d’une fête : catholiques et orthodoxes la célèbrent le 6 août.

Mais en apparaissant ainsi, Jésus ne parle pas que de lui. C’est "l’identité de l’Homme, des hommes et des femmes" qui est ici en jeu, ajoute le Père Duigou. "Nous, aujourd’hui au XXIe siècle, sommes interrogés parce que nous nous rappelons que, tout en étant Hommes, nous sommes invités à être Dieu." Le message de la Transfiguration rejoint l’idée centrale du christianisme d’un Dieu qui se fait Homme "pour que l’Homme devienne Dieu", comme disent les Pères de l’Église.

Mais comment l’humanité pourrait-elle devenir Dieu ? Et que veut dire devenir Dieu ? Comme le dit Daniel Duigou, il y a de quoi douter de la capacité de l’Homme à aimer comme Dieu ! Ce texte indique donc qu’il y a "une rupture à vivre", indique le Père Duigou. Il nous faut "changer de paradigme, de façon de voir, de croire et d’agir". Changer aussi la façon dont on se "comprend en tant qu’Hommes", mais en avons-nous la capacité ? "L’Homme, compte tenu de ce qu’il est, ne peut pas imaginer par lui-même qu’il est appelé à cette sainteté-là." Sans doute lui faut-il une parole puissante...

Une manifestation de la gloire de Dieu

Dans ce texte qui annonce Pâques et affirme l’identité divine de Jésus, il est fait de nombreuses allusions à l’Ancien Testament. Il y a la montagne, où Dieu s’est révélé et a donné sa Loi à Moïse, la nuée, qui accompagne les Hébreux au cours de l’exode, les tentes, où s’abrite le peuple de Dieu dans le désert… Et bien sûr Moïse et Élie, deux personnages centraux du Premier Testament. C’est avec eux que Jésus parle "de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem". Puisant dans la bible hébraïque, ce récit fait de Jésus le Messie d’Israël et anticipe la mort et la Résurrection de Jésus.

Le message de la Transfiguration ne peut donc se comprendre sans le mystère de Pâques : mystère d’un Dieu qui accepte de souffrir et de mourir sur la croix avant de ressusciter dans la gloire et de vaincre le mal. D’ailleurs c’est bien de "gloire" dont parle l’évangéliste Luc et non pas de "transfiguration". Qu’est-ce que la gloire de Dieu ? "C’est de rendre l’Homme libre", disait le cardinal Pierre de Bérulle au XVIIe siècle. On peut donc comprendre ainsi l’injonction qui est faite aux disciples Pierre, Jacques et Jean : "Écoutez-le".

Qu’est-ce que Dieu attend des Hommes ?

On le voit, les disciples Pierre, Jacques et Jean semblent d’abord "subir l’événement". "D’ailleurs ils sont choqués, note Daniel Duigou. Ils plongent dans une sorte de sommeil comme ça peut nous arriver quand on ne comprend pas un événement." Le bouleversement total des disciples est à la hauteur de la révolution que représente le message de l’évangile.

Et puis il est écrit que les disciples "virent la gloire de Jésus". "Ça veut dire : Ils comprennent. C’est-à-dire qu’il mettent de leur intelligence à décoder la scène et à devenir presque les acteurs." Pour le Père Duigou, nous sommes invités nous aussi à "décrypter ce message qui nous vient par Jésus". "La parole est un lieu où habiter", aime à dire le prêtre et psychanalyste. "Il s’agit de l’habiter, de trouver dans cette parole-là notre maison, c’est-à-dire notre identité."