Dans l'Évangile de ce dimanche, Jésus tient un discours qui peut scandaliser : il vient interroger toutes les croyances que nous avons au sujet du vrai bonheur.
Dire à un homme pauvre, affamé, endeuillé et méprisé qu'il est un homme heureux : voilà qui est difficile à avaler ! Dans l'Évangile de ce dimanche, les paroles de Jésus viennent justement nous bousculer puisque l'homme de Nazareth fait l'éloge du manque, des pleurs et du rejet. Un discours qui peut scandaliser et qui vient interroger toutes les croyances que nous avons au sujet du vrai bonheur. Ce que l'on nomme 'Sermon dans la plaine' chez Luc, et que l'on trouve dans l'Évangile de Matthieu sous le nom de 'Sermon sur la montagne', ce n'est autre que 'Les Béatitudes', l'un des plus célèbres discours prononcés par le Christ.
ÉVANGILE DU DIMANCHE 17 FÉVRIER (LC 6, 17.20-26)
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C'est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Source AELF
Dans ce texte Jésus s'adresse à la fois aux disciples, qu'il vient de choisir, et à une foule rassemblée devant lui. James Woody dresse un parallèle avec l'épisode du livre de L'Exode, dans l'Ancien Testament, où Moïse, après avoir passé un long temps face à face avec le divin, redescend du Sinaï vers le peuple d'Israël. 'Il y a les disciples et la foule comme on avait les anciens d'Israël et le tout Israël. J'ai l'impression qu'il y a une sorte de connection avec la figure de Moïse qui vient transmettre au peuple, à l'ensemble de la population, une sorte d'intimité avec Dieu, une sorte de parole essentielle.'
Les paroles que Jésus prononce sont extrêmement subversives. 'Heureux, vous les pauvres...' Selon le mot hébreu asher, en grec makarios, le terme 'béatitudes' évoque 'non pas un état' mais 'une dynamique'. 'C'est la capacité à pouvoir se projeter un peu plus loin que notre situation actuelle, c'est justement ne pas rester fiché sur place, autrement dit être dans une dynamique d'exode, de pouvoir se mettre à exister, être au-delà du lieu auquel on a été assigné.' Dire 'Heureux les pauvres' c'est 'retourner ce qui peut être considéré comme une insulte en dignité, en fait de gloire'.
'Je crois qu'il faut garder cette grande largesse d'interprétation', propose James Woody. Si Matthieu évoque les pauvres 'en esprit' ou 'l'esprit d'humilité', ici on peut considérer l'aspect matériel. 'Ce sont ceux qui manquent, ceux qui sont en manque, ils sont pauvres dans le sens où ils ne sont pas repus, ils sont insatisfaits, tendus vers un ailleurs, désireux d'un autre ordre du monde... il y a quelque chose en eux qui ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle.'
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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