L’évangile de ce dimanche fait partie des textes qui ont fait couler beaucoup d’encre ! Surtout depuis que le divorce est devenu une formalité dans la société civile. Jésus fait l'éloge de l'amour pour toujours. Ses propos sur le couple peuvent paraître très exigeants, voire décourageants. En quoi ce texte est-il une bonne nouvelle ?
Évangile du dimanche 6 octobre (Mc 10, 2-16)
Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Source : AELF
Dans cet évangile, on assiste une fois de plus à une confrontation entre Jésus et les pharisiens, ces religieux très attachés à la loi et qui connaissent très bien les textes. Cette fois, c'est au sujet du mariage et du divorce que l'on débat. Il y a Dieu et la loi de Dieu, et ce qu'en disent les prophètes : Moïse, puis Jésus. Ses propos sur le couple peuvent paraître très exigeants, voire décourageants. En quoi ce texte est-il une bonne nouvelle ?
Quand on parle de la loi, dans la Bible, il s’agit de ce que Dieu a donné au peuple hébreu, par l’entremise de Moïse, sur le mont Sinaï après la sortie d’Égypte. Un épisode raconté dans le Livre de l’Exode. "La loi, c’est ce qui permet de vivre, c’est une très, très, très bonne nouvelle, précise Père Miguel Roland-Gosselin, jésuite à l'église Saint-Ignace, à Paris. C’est une parole dite entre Dieu et l’Homme et Dieu donne plutôt une parole de bonté, donc c’est plutôt heureux."
Dans la loi de Moïse, le divorce est interdit. Toutefois, le mari a la liberté de répudier sa femme sans avoir à se justifier. Cela peut nous sembler injuste aujourd’hui mais, nous dit le Père Roland-Gosselin, "Moïse a pris une liberté par rapport à ce qui est tellement fondamental dans les premier et deuxième chapitres de la Genèse. Il a pris une souplesse pour tenir compte du cœur des gens tel qu’il est."
En effet, on pourrait considérer que la loi de Dieu est comme Dieu : un absolu. Or, ce que nous apprend Moïse, précise Miguel Roland-Gosselin, c’est que : "Autant Dieu est absolu, autant sa loi va être relative à des gens bien concrets, qu’il s’agira d’aider à partir de la loi." Ce qu’apporte Jésus par la suite, c’est "une équivalence" entre l’homme et la femme. Cette "égalité de traitement" est, selon le jésuite, "à peu près inédite".
En citant la Genèse pour répondre aux pharisiens, Jésus renvoie à "la joie de l’homme devant la femme, cette joie de la reconnaissance de cet autre tellement pareil et pourtant différent". C’est une allusion au chapitre 2 de la Genèse : "L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! »" (Gn 2, 23).
On parle ici de la relation entre l’homme et la femme, car c’est sur le divorce que Jésus est interpellé. Mais ce cri d’émerveillement de l’homme dans la Genèse donne à réfléchir sur le rapport à l’autre, le grand défi de l’humanité. "Toute l’histoire humaine va consister à réapprendre, à articuler ce cri de joie initial qui est le fond de notre cœur au fond. Ce cri de joie devant l’autre..."
La première partie de l’évangile de ce dimanche sur le couple peut paraître très exigeante, voire décourageante pour certains. En quoi ce texte est-il une bonne nouvelle pour chacun d'entre nous ? Comme le rappelle Miguel Roland-Gosselin, Jésus n’oublie pas "cette loi fondamentale que l’homme et la femme sont faits pour une fidélité. Ça, c’est posé dès le début et Jésus le répète en prenant la Genèse."
Toutefois, il faut aussi noter que Jésus "ne reproche rien à Moïse" et à "l’initiative qu’il a prise au nom de Dieu" de "relativiser" la loi. "Ce qu’a fait Moïse c’est bien la loi de Dieu", commente le jésuite. À ce titre, le texte du pape François "Amoris Laetitia" (2016) n’est "pas du tout" libéral, comme on a pu le reprocher au chef de l’Église catholique.
"L’interdit, la loi que nous, nous prenons un peu à mal et que le peuple d’Israël accueille avec tellement de joie c’est pour que nous vivions, résume Miguel Roland-Gosselin. Et donc si notre cœur est incapable de se mettre à la hauteur de Dieu, Dieu est prêt à se plier à nos cœurs tortueux et à les faire cheminer à notre rythme."
Peu de nos contemporains connaissent les Évangiles. Ils n'y sont pas hostiles mais ils n'ont plus d'occasion d'y avoir accès. C'est partant de ce constat que, avec l'éclairage d'un bibliste, Béatrice Soltner propose chaque semaine un texte d'Évangile pour qu'il soit entendu (ou réentendu), pour en savourer la nouveauté et faire l'expérience que - si incroyable que ce soit à l'heure de l'instantanéité - cette parole écrite il y a plus de 2.000 ans nous rejoint toujours au plus profond.
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