Le 15 mars, nous fêtons sainte Louise de Marillac, fondatrice avec saint Vincent de Paul des Filles de la Charité.
Louise, née le 12 août 1591, est la fille naturelle de Louis de Marillac. C’est, selon l’expression péjorative de l’époque, une bâtarde. Elle n’a jamais connu sa maman. Cette blessure de naissance va la poursuivre une bonne partie de sa vie.
À 4 ans, elle est placée en pension chez des Dominicaines lorsque son père Louis de Marillac se marie. Là, on lui apprend ce qu’on enseigne aux jeunes filles nobles de son temps. Elle reçoit aussi une bonne formation humaniste. Elle ressent un appel à devenir religieuse malgré sa santé fragile.
Le supérieur des capucins n'accepte pas l'appel de Louise et lui dit que Dieu prévoit autre chose pour elle.
En effet, après la mort de son père, en février 1613, on décide de marier Louise à un gentilhomme nommé Antoine Legras qui fait partie de l’accompagnement de la reine, Marie de Médicis.
De cette union, naît prématurément un garçon, Michel, en octobre 1613. L’union de Louise et Antoine connaît vite une grande épreuve : Antoine tombe malade de la tuberculose en 1622. Louise se sent punie par Dieu – c’est une certaine spiritualité de l’époque. Elle croit que Dieu la punit de ne pas être devenue religieuse. Elle tombe malade et entre dans une profonde crise spirituelle.
Heureusement, à la Pentecôte 1623, Louise reçoit une effusion de l’Esprit dans l’église St Nicolas des Champs. C’est une guérison intérieure. Elle reçoit la conviction que sa place est bien près de son mari malade, que plus tard elle deviendra bien religieuse et qu’elle servira les pauvres. Elle entrevoit aussi le visage du prêtre qui deviendra son directeur spirituel. Cette expérience est tellement forte qu’elle la relate sur un parchemin qu’elle porte sur elle toute sa vie pour se rappeler que c’est bien Dieu qui guide sa vie.
Un peu plus tard, elle rencontre Mr Vincent et elle reconnaît le prêtre que Dieu lui a annoncé. Fin 1625, son mari Antoine meurt et la laisse veuve avec un fils de 12 ans.
En devenant le directeur de Louise, Vincent de Paul a du travail. Il découvre une femme pleine de potentiel, mais fragile, tourmentée, blessée aussi par le rejet familial lié au fait qu’elle est née hors du mariage. Une femme aussi qui est encore très tournée vers elle-même.
Tout le travail de saint Vincent de Paul est de la conduire vers une relation plus sereine avec Dieu, et aussi de la décentrer d’elle-même. Il l’oriente vers le salut des autres plutôt que vers sa propre piété ou son inquiétude maternelle.
C’est ainsi que Louise s’investit dans l’œuvre que Mr Vincent a créée pour aider les pauvres : ce sont les confréries de la charité. Cet engagement de Louise fait merveille : elle découvre plus pauvre qu’elle. Elle centre sa prière sur la personne de Jésus-Christ et ne voit plus Dieu comme austère et lointain. L’eucharistie devient le centre de sa vie spirituelle. Elle réalise que Dieu a voulu faire connaître son amour à l’homme en envoyant son Fils sur terre, mais aussi qu’il a besoin des hommes et des femmes pour manifester cet amour. De son côté, Mr Vincent découvre les immenses qualités de Louise. Il la prend comme proche collaboratrice. Le 6 mai 1629, il en fait sa chargée de mission auprès des dames de la Charité.
Ce sont des femmes de la haute société (noblesse et bourgeoisie) qui se regroupent pour aider Mr Vincent dans ses nombreuses œuvres de charité. Mais toutes ne se mouillent pas pleinement. Certaines, en effet, se content d’envoyer leurs servantes pour différents services. Louise doit leur faire comprendre que, dans le pauvre, c’est le Christ lui-même qu’elles rencontrent. Elle les réunit, les écoute, les encourage, collecte des vêtements et de la nourriture, s’occupe de la comptabilité. Elle forme des maîtresses d’école pour instruire les jeunes filles.
En 1630, Louise reçoit la grâce mystique du mariage spirituel. Elle écrit : « Il me sembla que Notre Seigneur me donnait pensée de Le recevoir comme l’Époux de mon âme. »
Dans le même temps, les épreuves continuent de s’abattre sur la famille de Marillac. En 1632, deux des oncles de Louise qui exerçaient de hautes fonctions tombent en disgrâce et sont condamnés, l’un est exécuté et l’autre meurt en prison. C’est une nouvelle épreuve pour Louise. Mais elle ne laisse plus abattre. Dorénavant, sa personnalité se révèle à mesure qu’elle surmonte ses infirmités physiques et ses angoisses. Mr Vincent a vu juste en la choisissant. Il l’envoie sillonner les paroisses afin d’y organiser ou d’y renforcer les charités.
Elle va prendre un tournant décisif avec l’arrivée, début 1630, d’une villageoise débrouillarde, Marguerite Naseau. Cette jeune femme n’est pas comme les femmes parisiennes qui hésitent à s’engager concrètement auprès de pauvres. Elle se met à leur service, et pendant une épidémie de peste, elle tombe malade et meurt. Nous sommes en 1633. Pour la petite histoire, Marguerite Naseau a été déclarée vénérable par l’Église, c’est-à-dire que ses vertus héroïques ont été reconnues.
L’exemple de Marguerite a déjà fait écoles. D’autres paysannes prennent la relève. Avec l’accord de Mr Vincent, Louise les accueille dans sa maison. C’est ainsi que commence la compagnie des Filles de la Charité. Le 25 mars 1642, les 4 premières filles font leurs vœux. Les filles de la charité ne sont pas cloîtrées, elles ont pour voile « la sainte modestie », « pour monastère une maison de malade, pour cellule une chambre de louage, pour cloître les rues de la ville, ou les salles des hôpitaux » et pour devise : « La charité de Jésus Crucifié nous presse ».
Louise devient la supérieure. Elle va accomplir sa tâche de manière admirable. N’imaginez pas qu’une fondation se fait sans difficulté. Il y a des combats, des défections de sœurs qui peinent profondément Louise. Mais elle va de l’avant. Avec Mr Vincent, elle est sur tous les fronts de la charité : éducation des enfants abandonnés, secours des victimes des guerres, soin des malades à domicile ou dans les hôpitaux, service des galériens et des personnes handicapées mentales, instruction des filles du peuple et bien d’autres œuvres.
Du vivant de Louise, les Filles de la Charité se répandent dans la France entière et jusqu’en Pologne. On compte 30 fondations lorsque, le 15 mars 1660, Louise meurt à l’âge de 69 ans. Peu de temps après, le 27 septembre 1660, Mr Vincent la rejoint au ciel. Tous les deux forment un bel exemple de collaboration dans la sainteté. Aidés l’un par l’autre, chacun avec ses charismes, ils ont changé la société de leur temps avec l’imagination de la charité.
Louise de Marillac a été canonisée par Pie XI en 1934.
Son exemple nous montre que la sainteté est possible malgré toutes les blessures que nous avons pu recevoir : Louise, une femme blessée et angoissée, a fait l’expérience d’une effusion de l’Esprit qui l’a guérie et l’a lancée sur les voies de l’oubli d’elle-même où elle a rencontré Dieu dans les pauvres.
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