Voilà un échange auquel l’Evangile ne nous a pas habitué.
Au milieu de ce chapitre de confrontations tendues, entre des pharisiens voulant pousser Jésus à la faute et un Jésus aux aguets, sur la défensive et désamorçant chaque piège, se tient ce petit dialogue qui manifeste semble-t-il une entente parfaite entre Jésus et un scribe.
On peut s’interroger sur la question initiale du scribe « quel est le premier de tous les commandements ? » Y aurait-il ici aussi un piège ? Chercherait-il à obliger Jésus à trier dans la Loi, à classer les commandements sur leur valeur, pour le prendre en défaut de respect de la loi ?
Mais ici, le mot « premier » veut bien dire celui sur lequel tout est fondé, premier comme source, comme nature profonde de toute la loi.
C’est une belle question.
Aussi la réponse de Jésus semble convenir au scribe.
C’est pourtant une réponse risquée qui colle ensemble deux commandements qui ne se touchent pas dans l’Ecriture. Jésus fait un montage, il ose une fusion de texte, il joue avec l’Ecriture. Mais il le fait sans changer un mot à la loi.
Et voilà que se produit quelque chose d’extraordinaire, un événement génial et plein d’humour.
A première vue, on a l’impression que le scribe se contente de répéter tel quel ce que Jésus vient de dire… alors, du coup, Jésus serait satisfait et complimenterait ce scribe si docile.
Mais à y regarder de plus près, le scribe ne fait pas comme Jésus, une citation scrupuleuse de la Loi : il développe, il interprète, oubliant un mot ici, transformant une formule ailleurs, prolongeant sa réflexion comme on réfléchit intérieurement, comme on rumine une idée nouvelle que l’on vient d’entendre pour la première fois… au fond, il fait œuvre de lecture, d’interprétation.
Si Jésus se réjouit, c’est peut-être pour ça : parce que ce scribe n’est plus un scribe.
Parce qu’il est passé d’un certain rapport à l’Ecriture : un rapport de scribe, scrupuleux et tatillon, à un rapport de lecteur : respectueux mais audacieux, plus sensible à la voix qui parle qu’aux mots couchés sur le papier.
Seigneur dans notre attention fidèle aux écritures, garde-nous de devenir des scribes et fais-nous grandir en lecteurs.
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