Que représente Notre Dame de Paris ? Est-ce un lieu de culte ou de culture ? Retour sur l'incendie de la Dame de Pierre du 15 avril 2019 et sur les enjeux et controverses de sa restauration. Une émission “Je pense donc j'agis", présentée par Pauline de Torsiac.
Qui ne se souvient pas de ce qu’il faisait le 15 avril 2019 lorsqu’il a appris que Notre Dame était en train de brûler ? Qui ne se souvient pas des sentiments éprouvés à la vision de l’emblématique cathédrale de Paris en flammes ? Les émotions ressenties il y a 5 ans restent intactes. L’ incendie qui a frappé la Dame de Pierre a touché le cœur du monde entier croyants ou non, mais a aussi ravivé des débats sociétaux et religieux.
“Ce jour-là, c’est comme si notre maison de famille brûlait”. C’est ce que l'incendie de Notre-Dame évoque à Sabine, une auditrice, ainsi qu'à des milliers de personnes à travers le monde, en particulier aux croyants. Et pour cause, le bâtiment millénaire renfermait des trésors religieux inestimables qui auraient pu être détruits par les flammes, comme la tunique de Saint-Louis ou la couronne d’épines du Christ. Le père Jean-Marc Fournier, ancien aumônier de la brigade de la BSPP (brigade des sapeurs-pompiers de Paris) et Recteur de Saint-Louis des Invalides, qui a contribué à sauver certains artefacts, évoque le feu comme ayant une dimension spirituelle, “dans l’imaginaire chrétien, le feu dépasse largement les lois de la physique, il apporte une bénédiction ou une punition. D'ailleurs, après avoir récupéré le saint sacrement, j'ai béni la cathédrale et j’ai appris plus tard qu'au même moment, mes collègues maîtrisaient le feu de la tour nord”.
Cette dimension spirituelle est partagée par de nombreuses personnes, en témoigne la foule qui assistait à l’incendie en priant à genoux, ou une seconde auditrice, Brigitte, pour qui la cathédrale représente la Sainte Vierge et qui s’est dit heureuse de la rejoindre par les ondes de RCF.
L’émoi causé par l’incendie a heurté les cœurs du monde entier, croyants ou non, reflétant l'attachement culturel et esthétique porté à Notre-Dame. Dans l'ouvrage "Notre-Dame des valeurs, Retour sur une émotion patrimoniale" (PUF), codirigé par Natalie Heinich, la sociologue au CNRS analyse les réactions des journalistes, hommes politiques, hommes d’église, entrepreneurs, experts du patrimoine, juristes et scientifiques. Le livre fait ainsi état de la disparité de valeur entre ces différents corps sociaux. L'émotion est la même ; pas les raisons.
Pour Père Pierre Vivarès, prêtre, curé de Saint-Paul à Paris, auteur de “Notre église est au bout de la rue”, la tristesse patrimoniale ne devait pas prendre le pas sur la spiritualité et la fonction de cette cathédrale, “elle à été construite pour abriter un morceau de pain : l'eucharistie”. Cependant, le curé de Saint-Paul comprend cet attachement matériel, “j’ai moi-même une paroisse classée monument historique et Dieu sait que ça m’occupe de l’entretenir, j’ai un attachement au bâtiment et à ses œuvres, mais ce sont des outils, ce qui est premier, c’est le corps eucharistique”.
Nathalie Heinich, sociologue au CNRS ayant étudié l'incendie de Notre-Dame, évoque l’impact sociologique de cet événement : “ce qui m’a frappé, c'est l’unanimité des émotions, dans le monde entier, tous étaient rassemblés derrière cette catastrophe”. Jean-Marc Fournier évoque aussi un certain attachement historique : “quand Notre-Dame brûle, le monde sent qu’une page de l’histoire se tourne et les gens savent qu’ils y participent”.
Comme l’a expliqué Père Pierre de Vivarès, les responsables de l’église préfèrent se tenir à distance de cette dimension trop matérielle, ce qui crée des controverses. La plus importante est résumée par les mots de Nathalie Heinich “pleure-t-on les pierres ou l’âme d’un culte, vers où doivent être dirigées les émotions ?”. La sociologue évoque également la question de l’utilisation des fonds impressionnants récoltés grâce aux dons des gens du monde entier. Faut-il les utiliser pour rénover d'autres bâtiments ? Faut-il vraiment les défiscaliser ? Les milliardaires donnent-ils cet argent pour leur propre gloire ? Tant de questions qu’elle définit comme étant presque “politiques”.
Les matériaux utilisés pour la reconstruction créent aussi le débat, la matière de la nouvelle charpente ou l’aspect de la flèche par exemple. Nathalie Heinich considère cela comme “des querelles d’experts, de spécialistes et de politiciens ; tout cela revient à des questions de valeurs”.
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