Les rites ont toujours fait partie de la vie humaine, ils viennent marquer d’une pierre blanche le cours de nos existences, depuis le berceau de la naissance jusqu'à l'extrémité de nos parcours. S’appuyant sur cette donnée anthropologique, les grandes traditions religieuses ont créé leurs propres rites, qui prennent la forme de gestes, de paroles et de symboles. La tradition chrétienne a les siens qu’elle propose depuis plus de 2.000 ans. En quoi ces rites peuvent-ils rejoindre nos contemporains ? Comment leur donner sens et chair ? Des éléments de réponse avec Gabriel Ringlet, auteur de "La Grâce des jours uniques" (éd. Albin Michel).
Au prieuré de Malèves-Sainte-Marie, non loin de Bruxelles, le Père Ringlet inclut au cœur des célébrations, des témoignages d'artistes, d'écrivains, d'anciens détenus... Autant de "témoins de l'actualité", comme il les appelle. Ainsi au soir du Vendredi saint une jeune femme "qui avait traversé l'enfer de l'anorexie a relu la Passion à la lumière de son anorexie, c'était absolument bouleversant", se souvient-il.
Une année, lors de la Semaine sainte, un "ancien bandit de grand chemin" a témoigné. Il avait "fait des braquages incroyables", avait été condamné à 15 ans de prison et a finalement "basculé, changé de vie". "Lui demander de raconter en pleine liturgie pascale ce que signifie sortir du tombeau, se relever, se redresser, c'est absolument prodigieux, dit le prêtre, on revit par l'intérieur toute la force de la traversée pascale."
Qu'on soit laïque, qu'on soit chrétien, qu'on soit d'une autre confession, la célébration elle est fondamentale, elle est structurante
À travers un rite, une célébration, c'est notre manière d'être au monde qui est en jeu. Et cela "dépasse la spiritualité, qui dépasse la religion". Pour le Père Ringlet, célébrer est quelque chose de "fondamentalement anthropologique". "C'est pourquoi j'appelle tous nos concitoyens à célébrer, qu'on soit laïque, qu'on soit chrétien, qu'on soit d'une autre confession, la célébration elle est fondamentale, elle est structurante, il y va non seulement d'un mieux être mais c'est l'avenir même de l'humanisme qui est engagé dans la célébration."
L'heure est venue, et plus que jamais, de réenchanter les rites, de les remettre en musique, de les remettre en voix, je crois que nous nous sommes éloignés de toute la richesse, de toute la créativité que peut proposer le rite et qu'il y a là je trouve un très très grand chantier qu'il faut absolument empoigner aujourd'hui.
"Je pense que fondamentalement, célébrer c'est une manière d'être au monde." Le Père Ringlet aime citer Rainer Maria Rilke, "quand il dit qu'avec de l'ici nous devons faire de l'au-delà". "Notre ici peut-être joyeux, douloureux, tragique... On est heureux d'une naissance, désespéré d'un suicide, il ne suffit pas de le vivre, de traverser, de lutter, de ne pas désespérer : il faut le célébrer, l'empoigner, lui donner un peu de légèreté."
Et quand la messe est pour certains ennuyeuse ? "Ça c'est le ritualisme : c'est quand le rite s'use parce qu'il est sans âme, parce que la répétition est beaucoup trop standardisée, explique le Père Ringlet, mais ce n'est même plus un rite pour moi, c'est vraiment s'éloigner du rite que de le répéter de cette manière-là. Un rite doit rester vivant, il doit rester imaginatif."
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