10% des baptisés catholiques trouvent la messe ennuyeuse, selon un sondage*. Et si une homélie réussie pouvait renouveler le regard des fidèles ? Ce moment de la liturgie où le prêtre prend la parole pour commenter l'Évangile est l'occasion de faire connaître la foi chrétienne. Il faut toutefois maîtriser l'art de la prédication... À l’heure où seulement 9% des croyants ne vont à la messe que pour les grandes fêtes*, comment toucher les cœurs en moins de dix minutes ?
À l'automne 2021, une femme a prêché lors d’une messe catholique devant des milliers de personnes. Cela s’est passé durant le rassemblement de la famille ignatienne à Marseille. Lors de la grande messe finale présidée par Mgr Jean-Marc Aveline, celui-ci a invité Sœur Christine Danel, alors supérieure des Xavières, à dire l’homélie. Un geste qui résonnait fortement, dans le contexte de la remise du rapport de la Ciase (le 5 octobre 2022). Aujourd’hui, alors que vient de s’achever la première Assemblée générale du synode sur l’avenir de l’Église catholique, où l’idée de créer un ministère de la parole a été évoquée, on envisage la possibilité pour des laïcs, et notamment des femmes, de prêcher. Ouvrir la prédication à des personnes qui en ont le talent, est-ce une solution pour remplir les églises ? Il y a en tout cas dans l'homélie "un enjeu d'évangélisation".
L’homélie correspond à un moment particulier de la liturgie catholique, où le prêtre, face aux fidèles, commente l’évangile du jour. "Homélie" vient du grec et signifie "conversation". "L’art de l’homélie, c’est l’art de la bouchée, explique Frère Sylvain Detoc, dominicain du couvent de Toulouse, on vient se nourrir à la table de la parole." Pour les dominicains, qui s’appellent en réalité les frères prêcheurs, la prédication est au cœur de leur mission. "C’est dans notre ADN, on est nés pour ça", résume Frère Detoc.
La prédication fait partie de ce que l'Église catholique nomme le service de la parole de Dieu. "C’est l’art de communiquer la parole de Dieu", résume Frère Detoc. Un exercice difficile, si l’on en croit la façon dont les mots "sermon" ou "prêche" sont devenus presque synonymes d’ennui ou de leçon de morale. "Le Petit Robert" définit même l’homélie comme "une longue et ennuyeuse leçon de morale". D'ailleurs, selon une étude de 2022, 10% des baptisés trouvent la messe "ennuyeuse"*.
Prêtre ou pas, tout le monde n’a pas le talent pour prêcher. D’autres au contraire savent faire qui n’en n’ont pas la possibilité. Aujourd’hui dans l’Église catholique, seuls les ministres ordonnés peuvent dire l’homélie – les prêtres et les diacres, donc uniquement des hommes. "Ouvrir la prédication aux femmes, ça fait partie des transformations qu’on est en train de vivre, avec le synode", souligne Christine Danel. Experte lors du synode, elle rappelle que "le droit canon le permet tout à fait". Elle cite : "Les laïcs peuvent être admis à prêcher si le besoin le requiert en certaines circonstances ou si l’utilité le suggère dans les cas particuliers." (canon 766).
L'homélie, ça ne touche pas seulement l’intelligence mais à tout ce qu’est la personne humaine
« Quand l’homélie démarre par : "Je distinguerai trois parties à ce texte", je suis déjà un peu parti... » témoigne Laurent, catholique pratiquant. Ni explication de texte, ni commentaire de l’actualité, l’homélie ne doit pas non plus ressembler à un cours d’exégèse. Qu’est-ce donc qu’une bonne homélie ?
"C’est donner le goût, transmettre le goût de l’évangile, la rencontre avec le Christ, son message, sa vie", souligne Christine Danel. Et pour cela, il faut "une image, un sentiment, une idée", résume le pape François dans son exhortation apostolique "Evangellii gaudium" (2013). Le prédicateur a dix minutes (environ) pour parler au cœur, convoquer l’imaginaire et faire appel à l’intelligence : pour l'ancienne supérieure des xavières, "l’homélie" est "quelque chose de complet, ça ne touche pas seulement l’intelligence mais à tout ce qu’est la personne humaine".
Finalement, il s’agit d’être dans "la dynamique de l’incarnation", résume Sylvain Detoc. Le meilleur prédicateur, on le trouve dans les évangiles. "Jésus dans les paraboles en appelle aux choses du quotidien, qui parlent aux gens." Le Christ utilise l’image des filets et de la pêche devant un public de pécheurs, de la vigne devant des cultivateurs... "C’est admirable de voir à quel point la parole de Dieu se fait chair en Jésus, s’enthousiasme le dominicain, elle se fait chair jusqu’au bout !"
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La tentation, quand l’actualité se fait dense et concerne de près les fidèles, est de tenir des propos politiques lors d’une homélie. "Ce n’est pas le lieu, estime Christine Danel, notre Église est suffisamment polarisée, il faut être au service d’une communion. Ce qui nous unit, c’est la présence du Christ au milieu de nous." Lors de la Manif pour tous, en 2012-2013, certains prêtres ont appelé à se mobiliser, ce qui a pu choquer certains fidèles ou au contraire rejoindre les convictions d’autres catholiques. Parfois, cela a suscité à de grosses tensions dans les paroisses. Pour le dominicain Sylvain Detoc, cela s'avère "acrobatique d’utiliser le temps qui vient après l’Évangile pour s’engager sur ce genre de voie, politique ou autre".
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Environ 9% des catholiques croyants* n'assistent à la messe que pour les grandes fêtes, comme Noël et Pâques, ou lors d'événements spéciaux. L’enjeu est donc de taille si l’on veut, en une homélie, leur parler de l’essentiel de la vie chrétienne et du mystère chrétien - en moins de dix minutes, selon les conseils du pape François. "Il ne faut pas se rater", admet Sylvain Detoc. Christine Danel parle d’un "enjeu d’évangélisation".
Or, l'homilétique, ou l’art de la prédication, n’est pas toujours enseignée au séminaire. "Malheureusement pour mon cas, et la génération quand j’étais au séminaire, je n’ai pas eu franchement de cours d’homélie", regrette le Père Loïc Bonisoli. Prêtre du diocèse de Metz, il est l’auteur du livre "Va et prêche ! Croyons-nous en l'homélie ?" (éd. Cerf, 2017). Pour lui, c’est "un gros dommage de nos jours" mais les choses évoluent, dit-il. Pour former les prêtres à l'art de la prédication, l'Église catholique peut en tout cas s'appuyer sur... des laïcs. Par exemple le SOH (Service d’optimisation des homélies) créé en 2007 et qui a déjà formé "un millier de prédicateurs".
* Source : sondages Ifop et Odoxa de 2022 cités par Ouest-France
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