"Martyr" : un mot qu'on entend régulièrement dans les médias, associé à ceux de terrorisme, attentat, explosion... Laissant supposer que le martyr est celui qui se sacrifie au nom de sa religion pour assassiner ses ennemis. Ou bien est-ce un croyant victime d'oppression et qui refuse d'abandonner sa foi ? Qu'est-ce que le martyre ? Auteur d'un ouvrage sur la spiritualité de Christian de Chergé, prieur de Tibhirine assassiné en 1996, le Père Christian Salenson s'est penché avec beaucoup d'intérêt sur la question. D'emblée, il explique que Christian de Chergé "n'aimait pas beaucoup" ce mot de martyr...
"Un mot frappé de beaucoup d'ambiguïté." La définition la plus large que l'on puisse donner est : mort violente au nom d'une cause déterminée. Le terme n'est pas nécessairement appliqué au domaine du religieux. Étymologiquement, il vient du grec et signifie "témoin" : c'est là "une définition insuffisante pour définir le martyre chrétien".
Selon la définition traditionnelle : un martyr est quelqu'un qui est mort en haine de la foi ou pour un acte de vertu - c'est-à-dire que d'autres ont tellement haï sa foi qu'il en est mort.
Pour comprendre l'expression "acte de vertu" on peut se référer au prophète Jean-Baptiste : si on célèbre son martyre, il "n'est pas mort à cause de la foi : c'est juste parce qu'il a critiqué un adultère d'Hérode", ainsi que le précise Christian Salenson.
En ce qui concerne la définition du martyr, un "basculement" s'est fait avec Maximilien Kolbe. Né Rajmund Kolbe (1894-1941), ce religieux franciscain avait été déporté à Auschwitz lorsqu'il s'est proposé pour remplacer un père de famille condamné à mort. "Il n'est pas mort en haine de la foi, il est mort parce qu'il a donné sa vie à la place de ce père de famille." Ce que l'Église au moment d'instruire le procès en canonisation ne savait pas : c'est Jean Paul II qui l'a désigné comme martyr. "Il est un martyr de l'amour", pour Christian Salenson.
Dans le cas des moines de Tibhirine, la question du martyre n'est pas claire : "on ne sait pas qui les a assassinés, c'est peut-être même pas des gens du GIA." On ne sait pas non plus officiellement qui était le commanditaire de l'attentat de Mgr Pierre Claverie. "Ils sont morts parce que, alors qu'ils pouvaient partir, ils pouvaient quitter l'Algérie, ils sont restés de propos délibéré parce qu'ils ont voulu rester fidèles à leur vocation et fidèles à à la population ; les moines de Tibhirine fidèles à leurs voisins, fidèles aux musulmans et fidèles à l'islam, à la relation qu'ils avaient avec l'islam." Comme le dit le P. Salenson, "ils ne sont pas morts en haine de la foi mais parce qu'ils ont aimé jusqu'au bout".
Émission d'archive diffusée en mai 2019
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