Grand défenseur de la foi, docteur de l'Eglise, il a été surnommé "la harpe de l'Esprit-Saint".
Éphrem est né vers l’an 306 à Nisibe dans l’actuelle Turquie, une région dont la langue est le syriaque.
Dans sa jeunesse, il se pose des questions sur Dieu, en particulier sur la Providence, sur la toute-puissance et la manière dont Dieu agit parmi les hommes. Un passage en prison lui donne la lumière.
Le jeune Éphrem mène une vie de vagabond dans la campagne et la nuit le surprend. Il demande à un berger s’il peut dormir dans son champ. Pendant la nuit, un loup vient voler une brebis. Au matin, les propriétaires constatent l’absence de l’animal et accusent le berger et Éphrem de l’avoir volée. Ils le font comparaître devant le juge. Pendant qu’Éphrem tente d’expliquer le véritable cours des événements pour démontrer son innocence, on amène un homme accusé d’adultère. Le juge arrête son interrogatoire et fait mettre le berger, Éphrem et l’homme en prison. Dans le cachot, nos trois compères trouvent un prisonnier chrétien accusé de meurtre. La situation est grave pour les quatre hommes. En parlant les uns avec les autres, ces hommes découvrent que tous sont accusés injustement : Éphrem et le berger n’ont pas volé de brebis, l’homme accusé d’adultère n’a rien fait, et le chrétien n’a tué personne.
Au bout d’une semaine d’emprisonnement, Éphrem fait un songe. Il voit un homme qui lui dit : « Sois pieux, et tu comprendras la Providence. Examine les pensées et les actes de ta vie. Tu comprendras alors que toi et les hommes qui ont été arrêtés avec toi, vous ne souffrez pas injustement, bien que vous soyez innocents des crimes dont on vous accuse. » Éphrem se met alors à réfléchir et lui revient en mémoire une espièglerie qu’il a commise. Par bravade, il a fait sortir la vache d’un pauvre homme de son enclos. Celle-ci s’est perdue et a été dévorée par les bêtes sauvages.
Au réveil, Éphrem raconte son rêve et sa découverte à ses compagnons d’infortune. Tous se mettent à réfléchir sur leur propre vie et avouent qu’ils ont aussi des choses à se reprocher. L’homme emprisonné pour adultère reconnaît avoir accusé injustement une pauvre femme veuve d’adultère sous la pression de ses frères qui voulaient accaparer son héritage. Le chrétien se souvient de ne pas avoir porté assistance à un homme en train de se noyer dans une rivière alors qu’il aurait pu le faire.
Éphrem est très impressionné par ses confidences. Ainsi, tous sont dans une situation analogue. Est-ce le hasard ? C’est un peu gros pour un hasard… Éphrem explique : « Ces récits me plongèrent dans la désolation ; parce que le châtiment était évident. Si j’avais été seul, j’aurais dit que, sans doute, tout cela était arrivé pour des raisons humaines. Mais nous avions tous trois été touchés par le même malheur… Je m’endormis à nouveau et vis la même personne qui me disait :
Vous verrez ceux pour lesquels vous supportez cette offense, et vous serez libérés de la calomnie que vous subissez.
Et en effet, le lendemain, de nouveau « par hasard », on amena devant le juge les vrais coupables des crimes pour lesquels les compagnons d’Éphrem étaient en cellule. Et hasard supplémentaire, on nomma un nouveau juge juste avant qu’Éphrem ne comparaisse à nous au tribunal. Toujours par hasard, ce juge était natif de l’endroit où Éphrem menait sa vie de vagabond et, en outre, qui avait très bien connu ses parents. La vérité éclate alors au grand jour : les innocents sont libérés et les coupables emprisonnés. Éphrem sort de prison après presque 70 jours de captivité. À partir de ce moment, il est convaincu que le hasard n’existe pas et que tout péché a son châtiment.
Après cet événement qui constitue le tournant de sa vie, Éphrem retourne à Nisibe et se met sous la protection de l’évêque de la ville, Jacques, un des 312 évêques qui ont participé au concile de Nicée en 325. C’est probablement l’évêque Jacob qui l’ordonne diacre. Il choisit une vie monastique avec des tendances érémitiques, mais clairement, étant donné son intense vie apostolique, il est clair qu’il n’a pas pu vivre pleinement en ermite ni s’adonner à des privations excessives. Il donne des conseils modérés en ce domaine : « Mieux vaut, dit-il, manger en rendant grâces à Dieu qui nous nourrit, que de jeûner en critiquant, en condamnant ceux qui mangent et rendent grâces à Dieu. Êtes-vous à table, mangez, mais ne déchirez pas la réputation de votre prochain… » De nouveau, le primat de la charité !
Très vite, il devient directeur de l’école théologique de la ville. Mais Nisibe est l’objet de la convoitise des Perses. En 363 Éphrem se réfugie à Édesse avec ses élèves. Il y fonde une nouvelle école, l’école catéchétique d’Édesse. Éphrem mène une vie pastorale intense : il prêche, il écrit tant en syriaque qu’en grec, il compose des hymnes, il se bat contre les hérésies de son temps. Sa parole est de feu. Il a le don des larmes que la tradition associe à l’amour parfait. De son vivant, Éphrem est célèbre. On vient le consulter, on lui demande aussi des conseils par lettre. Dans cette immense activité, il reste d’une admirable humilité.
Éphrem combat toutes les hérésies de son temps. Et elles ne manquent pas ! Il lutte contre les anoméens, les macédoniens, les milliénaires, les marcionites, les manichéens, les messaliens ou euchites, les apollinaristes et les novatiens. Il est particulièrement sévère avec les apollinaristes disciples de l’évêque schismatique de Laodicée Apollinaire, un homme très intelligent et orgueilleux, qui se réclame faussement de saint Athanase qu’il a connu. Dans son enseignement, Apollinaire prétend que dans l’humanité de Jésus il n’y a point d’âme. Pour lui, c’est directement la divinité qui anime son corps. Vous le voyez, il s’agit de nouveau d’une hérésie qui s’attaque au dogme de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Après négociation, les apollinaristes ont accepté de reconnaître une âme sensitive au Fils de Dieu, mais pas ce qu’ils ont appelé une âme intelligente, ce qui a fait dire à saint Augustin : « Ils ont donné au Fils de Dieu une âme de bête et lui ont refusé une âme d’homme. » Pas étonnant qu’en plus de cela, ils ne reconnaissent pas la Trinité : selon eux, le Père, le Fils et l’Esprit Saint ne sont que des rôles assumés par une seule et même personne divine.
Saint Éphrem a été un de ces défenseurs, un penseur d’une intelligence pénétrante, un théologien inspiré, ce qui lui a valu le titre de docteur de l’Église. Notez cependant que chaque hérésie a eu sa face positive : elle a permis d’affiner une facette du dogme, de clarifier ce qui en avait besoin, de manifester souvent la cohérence de notre foi. En permettant les hérésies, Dieu a surtout permis que les Pères de l’Église approfondissent les mystère de la foi pour poser les bases solides qui sont les nôtres aujourd’hui.
De retour dans sa ville d’Édesse, Éphrem continue son œuvre théologique, la composition d’hymnes liturgiques en syriaque qui lui vaut le surnom de « lyre ou harpe du Saint Esprit ». On estime qu’il a écrit au moins 3 millions de vers : des commentaires de la plupart des livres de l'Écriture Sainte, des traités contre les hérésies, des Hymnes sur le Paradis, sur la Virginité, sur la Foi, sur les grands Mystères du Sauveur et des Fêtes de l'année. Mais il ne contente pas de faire de la théologie de manière admirable. Il se dédie aussi aux pauvres car la ville d’Édesse est ravagée par la famine. Il exhorte les riches à s’occuper des plus pauvres et lui-même les soigne et fait tout pour adoucir leurs misères. C’est en s’occupant d’eux qu’il contracte la peste qui l’emporte au paradis. Il meurt probablement le 9 juin 373. Il est reconnu comme un saint tant par les Églises orientales que par l’Église catholique romaine. Et le pape Benoît XV l’a proclamé docteur de l’Église en 1920.
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