Missionnaire infatigable, il a été aussi le précurseur de la dévotion au saint Coeur de Jésus et de Marie.
Jean Eudes est né en 1601 dans le petit village de Ri en Normandie. A 12 ans, il fait une première expérience de Dieu et il se met à communier tous les mois après confession. Très vite, il fait un vœu privé de chasteté.
En 1622, il rencontre l’Oratoire, fondé par le cardinal Pierre de Bérulle en 1611. C’est là qu’il est ordonné prêtre le 20 décembre 1625.
L’Oratoire et le cardinal de Pierre de Bérulle sont des figures de proue de ce qu’on appellera plus tard l’école française de spiritualité dans laquelle on retrouvera Jean Eudes lui-même, Vincent de Paul, Jean-Jacques Olier, Louis-Marie Grignion de Montfort, et bien d’autres.
Il donnera pas moins de 117 missions paroissiales jusqu'en 1676. Il circule à pied, à cheval, en voiture, en Normandie, en Bretagne, dans l'Ile de France, en Bourgogne...
Quel est l’objectif de ses missions ? Justement, d’amener les chrétiens à découvrir qu’ils sont appelés à continuer et à accomplir la vie de Jésus. Cela passe par un appel à une conversion profonde qui se fait par la prédication pour amener les personnes au sacrement de confession. On dit du père Eudes qu’il est un « lion en chaire, [un] agneau au confessionnal ».
En 1637, Jean Eudes publie Vie et Royaume de Jésus dans les âmes chrétiennes (un livre qui aura grand succès) dans lequel il rassemble ses découvertes de prêtre-missionnaire.
Ce livre est d'abord un magnifique plaidoyer en faveur du baptême, ce sacrement somptueux « si oublié de nos jours », explique le Père Eudes. Si, de son temps, on pouvait déjà dire que la beauté du baptême était oubliée, que dire alors aujourd’hui ?
Dans ce livre, Jean Eudes insiste sur la nécessité d’avoir une vraie « vie » chrétienne. Celle-ci ne consiste pas seulement à agir comme Jésus, mais à agir en Jésus. C’est pour cela que, dans le baptême, nous recevons l’Esprit Saint qui est l’âme de notre vie baptismale. Le père Eudes souligne ce mystère d’intériorité : dans notre cœur, c’est-à-dire dans la fine pointe de notre âme, l’Esprit Saint réalise un double mouvement : il nous conforme à Jésus et il forme Jésus en nous.
En 1641, il fonde une maison pour accueillir les femmes meurtries par l'existence, battues, abandonnées, livrées à la prostitution. De cet institut va naître plus tard la congrégation du Bon Pasteur d’Angers.
Nous découvrons aussi ici un autre aspect de la personnalité de Jean Eudes. Il est touché au cœur par les détresses de son siècle. Il se fait apôtre de la miséricorde. C’est très intéressant de noter que l’amour du Cœur de Jésus qui l’anime et qui va devenir de plus en plus explicite au fur et à mesure qu’il s’approche de la fin de sa vie, cet amour du Cœur de Jésus le pousse à la compassion pour ses semblables, et spécialement pour ceux qui souffrent le plus, ceux qu’ils appellent « les indéfendus ». Il écrit :
est miséricordieux celui qui porte dans son cœur la misère des misérables…
En 1643, c’est la fondation de la Congrégation de Jésus et de Marie, dite des Eudistes. Il veut des prêtres pour continuer ses missions, mais pas n’importe quels prêtres. Il veut des prêtres qui soient – je cite – « une image vive de Jésus-Christ en ce monde, et de Jésus-Christ veillant, priant, prêchant, catéchisant, travaillant, allant de ville en ville et de village en village, souffrant, agonisant, mourant et se sacrifiant lui-même pour le salut de toutes les âmes créées à son image et à sa ressemblance » (Mémorial de la vie ecclésiastique, OC III, 31). Pour cela, il unit son œuvre de missions (prédication, prière, communion, confession) à celle des séminaires (conférences, retraites, manière de prêcher, préparations à l’ordination). Il veut que les formateurs de futurs prêtres soient aussi des évangélisateurs, et réciproquement. C’est ainsi qu’ils seront de vrais pasteurs selon le Cœur de Dieu.
Il s’agit d’un culte liturgique, public, une grande première dans l'Église. Il y partage la plus décisive de toutes les grâces qu’il ait jamais reçues : le Cœur admirable de Marie.
Marie est la femme du Fiat et du Magnificat, celle qui a dit Oui. Personne n'a pu vivre mieux qu'elle la vie chrétienne comme participation à la vie de Jésus, comme continuation et accomplissement de la vie de Jésus. Elle est « pure capacité de Jésus » comme le disait déjà le cardinal de Bérulle. Jean Eudes affirme clairement :
d'elle-même et par elle-même, Marie n'est rien, mais son Fils Jésus est tout en elle : il est son être, sa vie…
C’est pourquoi célébrer le Cœur de Marie, c'est célébrer Jésus, vivant et régnant dans le cœur et la vie des hommes. Le Cœur de Marie, c'est Jésus. C’est extraordinaire de dire cela. Je le répète : le Cœur de Marie, c'est Jésus. C’est pour cela que Jean Eudes va parler du Cœur de Jésus et de Marie, un seul cœur tellement Jésus et Marie sont unis, ou plutôt, tellement Marie a été toujours unie à son Fils, n’ayant avec lui qu’une seule volonté : faire la volonté du Père.
En 1672, Jean Eudes compose un office et une messe du Cœur de Jésus, 24 ans après celui au Cœur de Marie, et un an avant la première apparition du Sacré Cœur à Marguerite-Marie à Paray le Monial. Il y fait éclater sa conviction profonde : Tout est donné dans le Cœur de Jésus, cette « fournaise de charité », ce lieu absolument unique et absolument repérable entre tous, où Dieu révèle aux hommes l'immensité d'un amour infini et où les hommes peuvent venir se réfugier afin d'aimer Dieu filialement et de tout leur cœur. Jean Eudes trouve un symbole fort qui parle à tous de l’amour infini de Dieu pour nous. Pour lui, l’amour du Père se révèle dans l’amour que le Fils nous a manifesté dans son humanité et qui est symbolisée par le Cœur de Jésus.
Dans cet office, il n’y a rien de sentimental, de mièvre, de sanguinolent ou de sacrificiel. Pour Jean Eudes, Jésus a du cœur, du cœur à l'ouvrage. Il vient dans le monde pour faire la volonté du Père. Son amour est courageux, agissant. C’est à cet amour qu’il nous invite en vivant, par notre baptême, accordé au Cœur de Jésus. Il proclame que ce Cœur « est à nous » : « Ne vous contentez pas d'aimer Dieu avec votre cœur humain, dit-il, ; cela est trop peu de chose, cela n'est rien ; aimez-le en tout l'amour de votre grand Cœur »… (Le Cœur admirable... OC, VI, 264). On croirait entendre Thérèse de Lisieux qui demande à Jésus de venir aimer en elle pour réaliser le commandement nouveau : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
En 1680, il achève son Traité intitulé Le Cœur Admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu. Le 19 août, il remet son âme à Dieu. Il est canonisé en 1925, en même temps qu’une jeune normande de Lisieux, missionnaire elle aussi de la miséricorde, Thérèse de l’Enfant-Jésus. Pie X le reconnaîtra en 1909 lorsqu’il le proclamera « père, apôtre et docteur du culte liturgique des Saints Cœurs de Jésus et de Marie ».
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