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Sainte Julienne de Cornillon

Un article rédigé par Jean-Luc Moens - 1RCF Belgique, le 11 avril 2022 - Modifié le 29 mai 2024

Le 5 avril, l’Église universelle fait mémoire sainte Julienne de Cornillon, une sainte belge. Il n’y a pas tant de saints belges inscrits au calendrier et peu ont eu une influence aussi importante que sainte Julienne.
 

Sainte Julienne de CornillonSainte Julienne de Cornillon

Enfance et léproserie de Cornillon

 

Julienne est née vers 1192-93 à Retinne, dans la principauté de Liège. Ses parents sont des fermiers fortunés. À leur mort, la petite Julienne est confiée aux religieuses qui s’occupent de la léproserie du mont Cornillon. Aujourd’hui, leur couvent est englobé dans la ville, mais à l’époque, il était bien en dehors de la ville, séparé par la Meuse et l’Ourthe.


Les sœurs de la léproserie assurent une excellente éducation à la petite Julienne, en particulier sœur Sapience. Les ressources de la ferme de Julienne permettent d’entretenir la léproserie et de construire aussi une petite chapelle avec une tour romane qui existent encore aujourd’hui. C’est dans cette chapelle que Julienne va faire différentes expériences mystiques, dont une marquante. Elle voit le disque lunaire avec une tache noire et elle comprend que le Seigneur lui demande de faire instituer une nouvelle fête pour honorer le Saint Sacrement et solenniser la présence réelle de Dieu dans l’hostie consacrée : la fête du Corps du Christ, Corpus Christi. La chose n’est pas simple.


Julienne en parle avec son amie Ève de saint Martin, elle aussi déclarée bienheureuse par l’Église. Ève est une recluse, c’est-à-dire qu’elle s’enferme à vie dans une maisonnette attenante à l’église et y vit une vie de prière suivant la règle cistercienne.

 

La question d'une nouvelle fête dédiée à l'eucharistie

 

Autour de Julienne, les théologiens discutent du bien-fondé de la demande d’une nouvelle fête dédiée à l’eucharistie. Selon eux, ce n’est pas nécessaire. D’autres, comme Béranger de Tours, affirment qu’il n’y a pas de présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée.  Mais les Dominicains soutiennent Julienne.

Entre temps, Julienne devient en 1230 prieure de la léproserie de Cornillon. Elle fait plusieurs pèlerinages pour obtenir le déblocage de la situation. En 1240, arrive un nouveau prince évêque à Liège. C’est Robert de Thourotte. Il soutient inconditionnellement Julienne et Ève. Deux théologiens Hugues de Saint-Cher et l’archidiacre de Fosses, Jacques Pantaléon aussi appelé Jacques de Troyes, défendent aussi l’institution de cette nouvelle fête.

C’est ainsi que la fête du Saint Sacrement est instituée à Liège par l’évêque Jacques de Thourotte en 1246. Julienne en a composé la liturgie.

 

Contestations et fuite


À la mort l’évêque, Julienne fait de nouveau l’objet de contestations à l’intérieur même de sa léproserie.

Elle doit s’enfuir en 1247. Elle ne reviendra jamais à Cornillon. Elle pérégrine dans le diocèse de Liège entre les cisterciennes de Robermont, du Val-Benoît puis du Val Notre-Dame. Elle passe aussi du temps à Salzinnes près de Namur.

 

Elle meurt le 5 avril 1258 à de Fosses-la-Ville et est inhumée par les cisterciens de l’abbaye de Villers-la-Ville. Cette abbaye a été détruite à la Révolution française et le tombeau de Julienne a disparu.

 

Stèle à la mémoire de Julienne de Cornillon


Mais l’histoire ne s’arrête pas là


L’archidiacre Jacques Pantaléon est élu pape en 1261 et prend le nom d’Urbain IV. Il n’a pas oublié Julienne et la fête de Saint Sacrement à l’institution de laquelle il a participé pour le diocèse de Liège.


L’occasion favorable se présente alors qu’il est en résidence dans la ville d’Orvieto au Nord de Rome. À 5 km de là, dans la petite bourgade de Bolsena, connue pour ses catacombes de sainte Christine, en 1263, un prêtre allemand qui doute de la présence réelle dans l’eucharistie célèbre la messe. À la consécration, l’hostie commence à exsuder du sang qui coule sur le corporal, sur l’autel et même sur le dallage de l’église. Tout le monde est étonné. On porte le corporal taché de sang au pape Urbain IV à quelques kilomètres de là. Une enquête est diligentée : le pape charge saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure de vérifier la vérité des faits.

Une fois confirmé le miracle, le pape peut étendre la fête Dieu à l’Église universelle. C’est fait le 11 août 1264 avec la Bulle Transiturus dans laquelle Urbain IV écrit :

Il est juste, pour confondre la folie de certains hérétiques, qu'on rappelle la Présence du Christ dans le très Saint-Sacrement.


Urbain IV écrit aussi le 8 septembre 1264 à Ève de saint Martin pour lui annoncer l’institution de la fête au niveau universel. C’est la première lettre d’un pape adressée à une femme. Urbain IV meurt peu de temps après, 2 octobre 1264.
On peut dire qu’il a eu juste le temps de réaliser le projet de Dieu qui était d’instituer une fête pour son eucharistie.

 

L'Histoire entre les mains de Dieu

Cette histoire ressemble à un feuilleton à suspens où les différents épisodes constituent des rebondissements inattendus. Dieu a utilisé deux femmes du Moyen-âge, Julienne et Ève, pour promouvoir une fête qui affirme sans ambiguïté la présence réelle du Christ dans l’eucharistie. Il a mis sur la route de ces femmes un prêtre qui a eu une vie à rebondissements, passant de Troyes, à Liège, à Verdun comme évêque, à Jérusalem comme patriarche et finissant à Rome comme pape.


Cette histoire nous montre que Dieu est réellement le maître de l’histoire. Il dirige les événements selon le plan qu’il a établi.


Nous voyons aussi que le dogme de la présence réelle du Christ dans l’hostie consacrée a connu des oppositions. Régulièrement, dans l’histoire de l’Église, des théologiens ont mis en doute cette présence réelle. L’histoire de Julienne et de la Fête Dieu montre également combien Dieu tient à ce que nous croyions en cette présence réelle.


En cette fête de Julienne de Cornillon, redisons à Jésus notre foi dans sa présence réelle eucharistique et remercions-le pour ce cadeau merveilleux qu’il nous fait et qu’il fait à toute l’Église.

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