La vie affective, incluant la dimension amoureuse et sexuelle bien entendu, serait-elle un obstacle à la vie spirituelle et à la vocation de sainteté des baptisés ? Il faut bien reconnaître que dans l'Église, et c'est une idée qui a longtemps dominé, c'est ce qu'on pense et ce qu'on dit. Mgr Emmanuel Gobilliard a accepté d'évoquer la question sans tabou et surtout avec la conviction que c'est important d'en parler. Il est l'auteur en avril 2018 de l'ouvrage "Aime et ce que tu veux, fais-le !" (éd. Albin Michel) co-écrit avec la sexologue Thérèse Hargot.
En tant qu'évêque "c'est très important" d'aborder le sujet de la sexualité, considère Mgr Gobilliard. "Peut-être pour guérir des blessures ou des incompréhensions ou des fausses pistes, que nous avons peut-être nous-mêmes empruntées en se méfiant de la sexualité, en la considérant comme un péché, en la stigmatisant, en la réservant à une catégorie de personnes." L'évêque auxiliaire de Lyon considère toute attitude de ce type "blessante" et même "parfois dangereuse".
C'est que le malentendu entre l'Église et la sexualité est une histoire vieille de plusieurs siècles. "Lorsqu'on parlait de mariage comme remède à la concupiscence, ça ne tenait pas en très haute estime le mariage et la sexualité", rappelle l'évêque. Selon lui c'est Jean Paul II qui a été "le vrai libérateur de ces questions de sexualité". Finalement, cette méfiance à l'égard de la sexualité est étonnante quand on sait que pour les catholiques "Dieu est amour" (Jn 4, 8). "J'espère, nous dit Mgr Gobilliard, que nous voyons tous un lien entre amour et sexualité. C'est une façon magnifique de vivre l'amour !"
"Tout ce qui concerne l'homme est spirituel... Dieu s'intéresse à tout de ma vie." Pour Mgr Gobilliard il est très important de ne pas considérer la spiritualité comme quelque chose de désincarné, au risque de "se détacher du réel". Car lorsque l'on prie, lorsque l'on s'adresse à Dieu, on le fait avec notre corps, quand on se met à genoux, quand on communie à la messe, quand on chante... tout cela se fait via notre corps. Et quand on lit dans la Genèse "Dieu vit que cela était bon" (Gn 1), on peut ajouter : y compris notre sexualité. "Si Dieu nous a créés, il nous a créés avec tout ce que nous sommes, y compris notre sexualité." À ceux qui louent chez Louis et Zélie Martin le fait qu'ils ont souhaité vivre comme frère et sœur durant les premiers temps de leur mariage, Mgr Gobilliard répond que c'est "une hagiographie malhonnête".
Comme toutes les réalités la sexualité est un "lieu de combat" - combat "contre mon égoïsme, contre mes tentatives de repli sur soi". La nier, c'est nier qui nous sommes, nous dit l'évêque. "Bien sûr qu'il faut considérer la sexualité comme un lieu de combat, un lieu où je dois m'améliorer, parce que dans la relation je dois toujours m'améliorer, ce n'est pas facile la relation et en particulier la relation intime - les couples en savent quelque chose, mais ce n''est surtout pas un lieu à ignorer, à étouffer, comme si ça n'existait pas parce que c'est à ce moment-là que ça surgit de façon très violente et que toutes les blessures et les souffrances et les replis sur soi peuvent embarrasser la vie spirituelle et l'empêcher même."
"Évidemment que le Christ n'a pas eu de relations sexuelles, mais il est important d'étendre la sexualité à beaucoup plus que la relation sexuelle, prévient Mgr Gobilliard, Jésus a assumé sa dimension sexuée." Il a été pleinement homme, "toujours attiré vers l'autre, vers l'autre qu'il aime profondément". L'évêque ajoute même que "Jésus n'a pas eu peur d'être attirant, vivant, beau... Jésus est le mari idéal, tellement attentif à mes besoins, mes blessures".
Si Mgr Gobilliard considère que se référer à Jésus et à l'Évangile pour penser la sexualité est "quelque chose de nouveau et d'absolument de nécessaire", c'est "parce qu'à force de ne jamais faire référence à Jésus et à l'Évangile quand on parle de sexualité, on entretient l'idée que la sexualité est du domaine du péché". Or, Jésus, Dieu fait homme, a vécu par son incarnation "notre condition d'homme en toute chose excepté le péché" : sous entendu "si la sexualité n'est pas un péché en tant que tel, le Christ a assumé cette dimension de notre humanité".
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