Depuis 2021, en raison du refus du maire de Lyon de participer à la cérémonie du renouvellement du vœu des Échevins, la Fondation Fourvière fait appel à une personnalité pour remettre symboliquement une médaille à l'archevêque de Lyon au nom de tous les Lyonnais. Après la basketteuse Marie-Sophie Obama l'an dernier, c'est le pianiste André Manoukian qui s'en chargera cette année.
C’est une tradition lyonnaise et historique qui se perpétue depuis 1643 : la cérémonie du renouvellement du Vœu des Échevins a lieu chaque 8 septembre à Fourvière, en commémoration de la promesse des notables lyonnais de l’époque - les échevins - d’offrir chaque année à la Vierge Marie « un cierge de sept livres de cire blanche et un écu d’or » pour la remercier d’avoir protégé Lyon d’une épidémie de peste.
La cérémonie prend la forme d’une messe célébrée par l’archevêque de Lyon en la basilique Notre-Dame de Fourvière et à laquelle sont invités tous les élus de la région lyonnaise. Depuis 2020, le maire de Lyon Grégory Doucet ne souhaite plus participer à la cérémonie religieuse dans la basilique. La Fondation Fourvière sollicite donc des personnalités pour remettre symboliquement une médaille de la Ville de Lyon à Mgr Olivier de Germay. Après Marie-Sophie Obama, la présidente du club de basket du LDLC Asvel féminin l’an dernier, c’est cette année un musicien qui a été choisi, le pianiste André Manoukian. RCF Lyon l’a interviewé à quelques heures du renouvellement du Vœu des Échevins.
RCF Lyon : comment vous a-t-on sollicité pour participer à ce renouvellement du Vœu des Échevins 2022 ?
André Manoukian : J’ai eu un coup de fil de Mgr Gobilliard qui me dit « Je suis l’évêque auxiliaire de Lyon... et je suis un jazzman. Je vais vous demander si vous voulez bien participer à cette cérémonie ». Je crois que je n’ai même pas hésité cinq secondes avant de donner ma réponse, avant d’accepter avec joie. Pour deux raisons : je suis passionné d’Histoire et on va me faire faire un geste qui est perpétué depuis le XVIIe siècle. La deuxième raison tient à ce que la spiritualité fait partie intégrante de la musique. J’ai accepté sans réfléchir.
C’est une cérémonie religieuse où l’archevêque de Lyon invite tous les élus politiques d’un territoire. C’est particulier dans une France laïque telle qu’on la connaît aujourd’hui ?
AM : Oui, mais il y a un gros contresens sur la laïcité. Dans un premier temps, l’esprit de la laïcité, c’est d’accepter toutes les religions, faire preuve de tolérance. Ensuite, je dirai que l’on est dans un monde en quête de sens, en quête de symboles. S’il y a un retour du religieux aujourd’hui, faisons en sorte que ce soit pour le meilleur et pas pour le pire. En tant que personnalité, je garde mes convictions politiques humanistes. Comme tout le monde le sait, j’ai aussi des origines arméniennes de mon père, de ma mère. Mes grands-parents sont arrivés ici [NDLR : à Lyon] en 1922. On sait ce que c’est d’avoir souffert un martyre quand on est un peuple chrétien. Ça fait partie de moi et de mon histoire. Et puisque je parle de mes ancêtres, j’imagine leur joie, même s’ils ne sont plus là, hélas. Quand ils sont arrivés, quand ils se sont installés dans cette ville, quand ils ont été accueillis avec autant de fraternité… Pour toutes ces raisons, tout ça a dû se mélanger en très peu de temps et j’ai répondu oui sans hésiter.
Comment vous vous êtes préparé, dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques heures de cette cérémonie du Vœu des Échevins ?
AM : Comme d’habitude, c’est la musique qui me guide. La musique est un paradoxe qui rassemble d’une manière intime spiritualité et sensualité. Enlevez l’un ou l’autre et vous lui enlevez toute son essence. Toute l’histoire de la musique commence avec le religieux, que ce soit dans les sociétés premières, où le sorcier était investi du pouvoir de communiquer avec les esprits par son instrument de musique ; ou plus tard dans l’élaboration du chant grégorien. Ou bien encore les polyphonies qui sont nées en Europe dans les cathédrales car on avait fait des endroits résonnants. Je ne compte pas faire une conférence sur la musique et le sacré, mais pour moi la musique, c’est du sacré et du sucré. Non seulement la musique est dans toutes les religions, mais d’une certaine manière, elle les relie toutes aujourd’hui. C’est le message intéressant que j'aimerais faire passer, notamment à la jeunesse.
Que représente le site de Fourvière pour vous ?
AM : J’allais spontanément me balader sur la colline de Fourvière quand je n’allais pas bien bizarrement, quand j’étais un petit peu nostalgique. Quand vous êtes adolescent, parfois vous vous posez des questions. Je montais à Fourvière, je regardais et ça m’apaisait. Il y a quelque chose qui dépasse la religion catholique. La figure de la Vierge Marie existe partout également. Chez les musulmans, c’est Myriam, le prénom le plus répandu dans les couples mixtes. Pour moi, je la fais peut-être même remonter avant Marie, à cette figure de femme primordiale, Isis chez les Égyptiens. Marie est pour moi un symbole plus que catholique. Elle est peut-être le symbole d’une femme qui peut sauver le monde. Cette idée me plaît bien.
ÉVÉNEMENT | La cérémonie du renouvellement du Vœu des Échevins 2022 est à suivre en direct ce jeudi 8 septembre à partir de 17h30 sur l’antenne de RCF Lyon.
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