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Gaëlle Josse "Une longue impatience"
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Gaëlle Josse "Une longue impatience"

Un article rédigé par Anne-Marie VERGNON - RCF Saint-Étienne, le 29 septembre 2018  -  Modifié le 28 février 2024

Ce soir-là, Louis, seize ans, n'est pas rentré à la maison. Anne, sa mère, dans ce village de Bretagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, voit sa vie dévorée par l'attente, par l'absence qui questionne la vie du couple et redessine celle de toute la famille. Chaque jour, aux bords de la folie, aux limites de la douleur, Anne attend le bateau qui lui ramènera son fils. Pour survivre, elle lui écrit la fête insensée qu'elle offrira pour son retour.

Chronique de Jacques PLAINE publiée dans L’Essor

 
 Gaëlle Josse – Une longue impatience – Notabilia
Gaëlle Josse, venue à l’écriture  par la poésie, a reçu le Prix de littérature de l’Union européenne pour « Le dernier gardien d’Ellis Island ». « Une longue  impatience » fait partie de la dernière sélection du Prix Charles Exbrayat 2018.
« Ce soir, Louis n’est pas rentré. ».
Dans la grande maison les deux petits vont à leurs jeux, à leurs leçons, mais demandent pourquoi Louis n’est pas là. Anne donne ses explications, rassurantes, essaye de croire en ses propres paroles  mais quand les enfants monteront dans leur chambre « pas d’histoire ce soir » dira-elle en les embrassant.  Et quand Etienne rentrera, après avoir tiré le rideau de la pharmacie, elle lui dira « tu n’aurais pas dû. »
Le lendemain les gendarmes frapperont à la porte : « Une fugue, ça arrive vous savez madame, c’est un adolescent un peu difficile, dites-vous, mais il va surement revenir, il est mineur, il n’a pas d’argent, où voulez-vous qu’il aille ? »
Depuis elle monte sur la falaise, regarde les bateaux et quand Etienne est à l’officine et les petits à l’école elle prend le chemin de « la bicoque adossée au vent » - la maison aux volets bleus - celle d’un autre temps, d’une autre vie qu’elle partageait jadis avec Louis. La guerre était là, les Allemands aussi, la RAF pilonnait les bateaux de pécheurs. « Il fallait affamer l’occupant » disait Churchill.
Dans la maison aux volets bleus, elle écrit. Jour après jour, des lettres à Louis : à Monsieur Louis Le Floch, aux bons soins de la Compagnie Générale Maritime, de la part de Madame Anne Quémeneur : « Lorsque tu reviendras mon Louis, ce sera une liesse, la joie de sourire à nouveau au monde. » Et elle lui décrit les plats qu’elle cuisinera pour cette résurrection. Des plats de la mer, des plats de la terre, des plats du souvenir, « les plats des pauvres » comme ils disent là-haut dans la grande maison. La maison Quémeneur où elle a tant de mal à trouver sa place : « Et tu seras le héros du jour, celui qui a couru les mers du monde et qui est revenu. »
Car elle le sait, il vogue sur les mers du monde, son Louis. Ne lui avait-il pas dit, il y a bien longtemps en lui serrant bien fort la main, le jour où la baleine s’était échouée sur la plage : « Je partirai sur la mer où vivent les baleines, pour les voir nager. »

   


 

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