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Avant la Révolution française, une certaine douceur de vivre... ?
Présentée par Frédéric Mounier PR-18721

© Wikimédia Commons - Les Hasards heureux de l'escarpolette (1767), par Jean-Honoré Fragonard Londres, Wallace Collection
La vie sous l'Ancien Régime était-elle si terrible qu'il fallait une Révolution? Les derniers travaux des historiens le montrent, les Français ne se disaient pas tous miséreux et affligés.
Pour beaucoup d'entre nous il est évident que les conditions de vie de nos aïeux sous l'Ancien Régime étaient insupportables. Et que la Révolution française a trouvé sa source dans ces inégalités profondes. Or, les travaux des historiens les plus récents tendent à infirmer cette vision : la façon dont les Français percevaient leur vie et ressentaient leur condition n'était sans doute pas si noire, en tout cas pas si uniforme. Ce que nous explique Agnès Walch, auteure de "La vie sous l'Ancien Régime" (éd. Perrin).
Quand Talleyrand parlait du "plaisir de vivre"
"Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1780 n'a pas connu le plaisir de vivre." Certes, Talleyrand (1754-1838), à qui l'on doit cette affirmation, appartient à la haute société. Et, "tous les contemporains l'ont signalé", nous dit Agnès Walch, "quand on vit en ville, quand on est privilégié", il y a à cette époque "une vraie douceur de vivre". Mais ce "plaisir de vivre" était-il partagé au-delà du cercle des privilégiés ?
Les sources convergent vers un sentiment de bonheur, notent les historiens. Qui avancent tout de même prudemment car les paysans pour la grande majorité n'écrivaient pas et "on n'a pas la voix des plus pauvres". Cependant, "on a l'impression, par quelques témoignages de personnes qui ont eu une grande ascension sociale et qui ont laissé des écrits, ou qui ont pu raconter leur expérience d'ascension sociale, même venant d'un milieu très pauvre, ils ont un sentiment de temps, disons, heureux".
La souffrance en toile de fond
À la fin du XVIIIe siècle, l'hygiène était déplorable, le taux de mortalité infantile de un sur deux. "Les vivants" étaient "des morts en sursis", comme l'écrit Agnès Walch. Mais les Français sur ce point étaient égaux : Louis XIV lui-même avait perdu toutes ses dents avant 40 ans ! Quand on évoque aujourd'hui cette douceur de vivre, on a conscience de cette noirceur en toile de fond.
"Seule la souffrance est égalitaire", note l'historienne. Avant la Révolution, on ne peut pas encore parler d'inégalités de traitement, en ce qui concerne les soins médicaux. Cet aspect-là de la vie sous l'Ancien Régime ne peut donc entrer en ligne de compte quand on étudie le bonheur des uns et le malheur des autres.
une société d'ordre
Pourquoi donc un sentiment de douceur de vivre ? Cela "vient sans doute de ce que les relations sociales sont très claires", selon l'historienne. "Ça veut dire que les gens savent exactement où ils sont, qui est qui, et comment se comporter." La société d'Ancien Régime est une société d'ordre, par essence pacifique.
Quand l'ordre est "intériorisé" : pour l'historienne, "ce n'est pas l'État ni l'Église qui imposent [cet ordre] mais qui tiennent un discours qui permet d'intérioriser ces différences sociales et de vivre dans un monde cohérent". À condition que tout le monde joue le jeu... Le point noir de cette période reste le système fiscal. "Un système qui est profondément injuste, il faut le reconnaître, c'est ceux qui ne peuvent pas se défendre qui sont les plus taxés."
Émission d'archive diffusée en février 2020
Invités
-
Agnès Walch, historienne, spécialiste de l'histoire du couple, du mariage et de la famille de la Renaissance à nos jours, professeur des universités
Bibliographie
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