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RCF,  -  Modifié le 23 janvier 2020
Après l'affaire Matzneff, et après la vague d'indignation, c'est par une fiction qu'Alice Moine nous fait pénétrer dans le silence d'une victime de viol.

 Depuis quelques semaines, le milieu littéraire est groggy, assommé par le récit de Vanessa Springora, Le Consentement, paru chez Grasset. La vague d’émotion, d’indignation devant ce qu’un prédateur a pu faire et même revendiquer, a largement dépassé les limites de Saint-Germain des Prés.

François Huguenin en a parlé dans sa chronique, je n’y reviens pas en dépit des réelles qualités littéraires de ce texte qu’il faut lire. En cette période de réaction à toutes les lâchetés et violences, dans le sillage du mouvement #metoo, c’est un roman que j’évoque avec vous ce matin. La fiction permet d’aborder autrement ces drames, et Alice Moine, dans un court roman d’une centaine de pages nous dit plus qu’avec un long discours ce qu’une femme agressée, violée, peut traverser.
 

Une héroïne de fiction qui concentre peut-être les réactions de toutes celles qui peuvent être victimes ?

 
C’est un peu cela : de l’agression, elle ne parle pas, ni à son mari, ni à ses amies. Pour elle-même, elle parle de « l’incident » comme pour le minorer, passer outre, mais ça ne passe pas : elle perd son travail et prend du poids, son mari s’en va, elle ne voit plus sa fille qu’un week-end sur deux… Petite Charlotte qui sent bien que quelque chose ne tourne pas rond : « Même quand est là, on dirait que tu n’es pas là », dit l’enfant à sa mère. Mais « qu’aurait-elle pu dire sans dépasser les limites du secret qu’elle s’était imposées ? Parce que ce dégoût d’elle-même a une cause qu’elle a préféré taire, Julie s’est condamnée à souffrir. » Le livre ne raconte qu’une journée, quand Julie emmène sa fille à la piscine, lieu de détente mais aussi de promiscuité, où l’on s’expose. Et les souvenirs douloureux remontent à la surface. Mais peut-être sera-t-elle lavée de toute peur, prête à surnager, à se battre.
 

En quoi ce petit roman est-il précieux ?

 
C’est un livre pudique qui met en scène une situation terrible et j’ai bien peur qu’elle soit tragiquement banale : cela ne se passe pas dans le milieu des lettres ou du cinéma, Julie est une jeune femme épanouie, mère de famille, qui se trouve prise au piège, agressée, désemparée, brisée, condamnée au silence. Elle se rend compte que « le poids du silence pèse plus lourd que celui des aveux ». Elle sait tout cela, et il n’y a d’autre issue que de briser le silence. Les témoignages, les journaux et même les romans continueront à nous renvoyer ce terrible constat des hommes qui s’en prennent aux femmes, aux enfants… Mais quelque chose a changé, et même la littérature y participe. Et Julie se tient debout face à sa fille : « ne laisse pas les autres piétiner ta dignité, parle haut et fort, n’aie pas peur, sois forte ».
 
« Les fluides » d’Alice Moine est publié chez Belfond. 

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