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« Au grand lavoir », un livre de Sophie Daull

RCF,  - Modifié le 20 septembre 2018
Chaque semaine Christophe Henning conseille un livre à lire.

Le passé nous revient toujours à la figure. C’est ce que doit se dire le narrateur de ce roman bouleversant. Il y a trente ans, il a assassiné une femme, a été condamné, et a fini par sortir. Il mène maintenant une vie terne et tranquille à Nogent-le-Rotrou, comme jardinier municipal. Jusqu’au jour où il voit apparaître dans une émission de télévision la fille de sa victime. Le passé remonte à la surface, le criminel réinséré sent monter l’angoisse et l’irrépressible besoin de se confronter à cette femme, romancière, qui doit justement venir dédicacer son livre dans la ville.
 
La littérature mêle parfois la fiction et la vraie vie, ce qui se passe dans ce roman. Ecoutez bien : ce repris de justice est totalement imaginé par Sophie Daull, l’auteur. Mais l’auteur est réellement la fille de cette femme assassinée, dont elle avait dressé un émouvant portrait dans un précédent livre « La suture ». Donc, si vous me suivez, le vrai auteur joue son vrai rôle tout en racontant l’histoire inventée de l’ancien taulard d’une étrange banalité : « mes habitudes bien ordonnées font de moi un être transparent, un monsieur tout-le-monde, un inoffensif administré de cette bonne petite ville », confesse-t-il. Au milieu du récit fictionnel du jardinier municipal, l’auteur évoque ses tourments et aussi sa propre traversée du malheur : « Quelque chose m’éblouit, qui commandait une entrée en haute vie, comme on dit en haute mer, avec le large qui s’offre, infini et contenant tout ; avec l’écriture, comme boussole et comme bouée, pour me maintenir sur la houle immense. »
 
Un aller-retour entre l’auteur et le meurtrier, qui cherchent tous deux leur souffle. Est-il possible de vivre malgré tout ? Ce qui est passé est passé : le coupable et la victime ont partie liée. Il faut décaper la mémoire, la plonger dans le grand lavoir, pour garder à vif les souvenirs qui font ce qu’ils sont devenus. Ce qui les relie encore : les plantes, les arbres, les fleurs, rassemblées comme un bouquet de beauté et de consolation. Mais qui regarde encore les fleurs ?

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