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"Une joie féroce" le rocambolesque de Sorj Chalandon
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"Une joie féroce" le rocambolesque de Sorj Chalandon

RCF,  -  Modifié le 6 décembre 2019
Christophe Henning, chaque jeudi nous parle littérature dans la Matinale et ce matin c'est « Une joie féroce », de Sorj Chalandon, publié chez Grasset.

C’est un bon roman, d’un superbe romancier, dont on n’a pas assez parlé ces derniers mois. C’est l’histoire de quatre femmes qui ne veulent pas se résigner, que la maladie a réunies, ce cancer qui vient tout bousiller, le corps mais aussi les projets, les amours, la vie. Jeanne, 39 ans, est libraire. Pour son mari, c’est trop : ils ont déjà perdu un fils, et « le jour où notre enfant a fermé les yeux, les nôtres ont cessé de briller », explique celle qui se retrouve seule face à la maladie.
Pas si seule, quand surgissent des compagnes de galère. Entre ces femmes « à la fois lumineuses, puissantes et déroutantes », se nouent des liens indéfectibles. Parce qu’il a fallu faire face et que, « dans le mot cancer, il y a de l’injustice. De la traîtrise. C’est le corps qui renonce. Qui cesse de vous défendre. C’est une écharde mortelle. Un visiteur du soir que l’on voit se faufiler en tremblant. » Jeanne mais aussi Brigitte, Assia et Mélody entrent en résistance et plus encore : elles n’ont rien à perdre, alors elles vont tout risquer…
 
 
Bientôt amies en dépit de leurs différences sociales, les quatre femmes vont programmer le casse d’une bijouterie, place Vendôme bien sûr, pour permettre à l’une d’elles de payer la rançon et retrouver sa fille enlevée par la mafia russe. Le roman intime, sensible, tourne à l’aventure rocambolesque d’un gang de filles : « on est en train de faire une vraie connerie », souffle Assia.

C’est certain, mais après une chimio, on est prête à tout, on risque sa vie comme on croit à la guérison : à la folie. « Mon destin m’échappe, c’est la première leçon », la deuxième, c’est « se réapproprier rageusement son destin ». Dans leur délire, elles sont extraordinairement vivantes, avec une joie féroce qui les habitent et les fait tenir. De vraies guerrières qui n’ont pas peur d’affronter leurs faiblesses, de se confronter, se provoquer, parce que c’est aussi cela, vivre.
 

Une leçon de courage alors ?

 
Pas vraiment, parce que Sorj Chalandon n’est pas un donneur de leçons : il laisse ses personnages prendre toute la place. Il décrit sobrement la maladie, il dépeint sans fard la lâcheté des hommes, il suit les braqueuses avec une certaine tendresse. C’est la fraternité au féminin, la sororité qui fait de ces femmes un bloc de douleurs et d’audace, d’attention et de générosité. L’histoire nous fait sourire, elle parle des femmes, du désir d’enfant, de l’adversité. Le roman a des airs de fresque sociale, de polar aussi, et presque de légende, tant il laisse le tragique s’emparer des destinées.

Magnifique romancier du Jour d’avant ou du Quatrième mur, Sorj Chalandon se fait moins dramaturge que conteur. Pour mieux nous amadouer et nous entraîner dans la folle équipée de quatre combattantes. Il faut traverser les douleurs, les déceptions jusqu’aux trahisons. La vie ne fait pas de cadeau, mais si on prend des coups, c’est qu’on est toujours vivant.
 
 
Ce soir « la lumière traverse la nuit » avec deux beaux auteurs, Christian Bobin pour son livre Pierre chez Gallimard et Patrick Cloux pour Durer encore chez Actes sud.

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