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"Mal parti" de Monique Jouvancy (Buchet - Chastel)
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"Mal parti" de Monique Jouvancy (Buchet - Chastel)

Un article rédigé par Jean-Claude DUVERGER - RCF Saint-Étienne, le 9 septembre 2017  -  Modifié le 28 février 2024

Deuxième moitié du XXe siècle, en province. Une famille française où tout tourne autour du fils aîné – qui a survécu contrairement au cadet tant aimé, mort si jeune. Le père est cheminot et frustré d’en être resté là. Qu’à cela ne tienne, le fils fera le chemin que le père a manqué. Difficile de réaliser les espérances paternelles quand on subit depuis toujours reproches, rebuffades, mépris. N’était-ce pas quand même à lui, le bon à rien, de disparaître ?

 
Chronique de Jacques PLAINE publiée dans L’Essor
 

 
Monique Jouvancy - Mal parti – Buchet Chastel - 14 €
Monique Jouvancy comédienne et romancière  est originaire de Saint-Étienne. « Mal Parti » est son septième roman.

A la mort du petit frère le père avait dit, ou s’il l’avait pas dit ça se lisait dans ses yeux tellement il le pensait fort : s’il avait eu à choisir entre ses deux fils ce n’est pas lui qui vivrait. Voilà ce qu’il avait dit le père. Et la mère, ça se voyait aussi dans ses yeux, elle pensait pareil. Faut dire qu’avec lui, avec ce cancre toujours tourné vers la rigolade, ce tourmente-chrétien qu’avait le génie du mal ils n’avaient pas beaucoup de satisfactions, les deux.
 « Petit imbécile tu nous gâcheras toujours la vie » se lamentait la mère et le père avait beau lui flanquer des gifles à lui dévisser la tête, rien n’y faisait, les colles arrivaient tous les dimanches et la punition était toujours la même : sortie dominicale annulée. Et tous les quatre, le père, la mère, la mémé et la petite - la petite qui était née deux ans après le drame, deux ans après la mort de l’ange - à baronter la journée de rang dans le trois pièces cuisine.
Pourtant il n’était pas bête l’animal, tous les professeurs le disaient « il ne fait le pitre que pour amuser les autres ». Qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça gémissait la mère. Le père lui l’avait inscrit au certificat à la fin de la cinquième eh bien vous me croirez si vous voulez il l’avait eu d’un point le certificat.
 Un peu plus tard après avoir renoncé pour lui à toutes les carrières de la fonction publique, fonctionnaire c’était pourtant une sécurité pas vrai, le père avait eu une autre idée encore meilleure que celle du certificat : il l’avait placé en apprentissage chez un artisan pâtissier. A plusieurs dizaines de kilomètres de la maison. (De Saint-Étienne, je crois, car il avait un accent du terroir qui le faisait parfois prendre pour un Québécois). Tous dans la famille s’attendaient au désastre eh bien non l’apôtre avait eu son CAP. Premier du département. Il remporterait même le concours départemental du Meilleur Ouvrier pâtissier.
Mais pour l’heure son patron le prenait par les épaules : rentre chez toi mon petit, ton père…oui ton père vient d’être terrassé par un infarctus. Pour une nouvelle c’était une nouvelle. Le rasoir électrique paternel en poche, héritage, héritage, il claquait la porte. La vraie vie allait commencer.

     

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