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Hair 6/8
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Hair 6/8

Un article rédigé par Fabien Genest Natio - RCF,  -  Modifié le 17 juillet 2023
En 1979, Hair, de Milos Forman, manifeste de la contre-culture américaine, débarque dans les salles de cinéma et d’emblée, c’est le choc. Rien ne sera plus tout à fait pareil par la suite.
Détail de l'affiche du film Hair en 1979. Crédit United Artists Détail de l'affiche du film Hair en 1979. Crédit United Artists

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Treat Williams dans le rôle de Berger. Crédit United Artists

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L'affiche du film Hair, sorti sur les écrans français, le 11 mai 1979. Crédit United Artists
 
Cette semaine, pour ce sixième chapitre de notre série, plongeons dans l’Amérique de la fin des années 60 à travers Hair, une comédie musicale qui, disons-le, fit grand bruit lors de sa sortie au théâtre en 1967 pour son côté subversif. Ce musical rock de James Rado et Gerome Ragni sur une partition musicale de Galt MacDermot fut présenté pour la première fois à Broadway en octobre 67. Il restera à l’affiche quatre ans sans interruption.

Aquarius

Aquarius, et son rythme funky groove, très typé seventies, un des hymnes de la comédie musicale Hair dont la bande son accompagnera toutes les années 70.
A sa sortie, on parle de « secousse psychédélique », d’ « hymne pacifiste » et d’ « une ode à la liberté et à l’amour ». Rien que ça !
Mais de quoi parle Hair au juste ? Et bien c’est l’histoire de Claude et de Berger, d’une rencontre amoureuse décisive et des hippies new-yorkais qui militent contre la guerre du Vietnam. Une guerre sale dont ils ne veulent pas. 

Let the sun shine (original Broadway musical broadcast from 1968)
 
« Laissons entrer le soleil, faisons l’amour pas la guerre », martelle à longueur de couplets ce second tube de la bande originale d’Hair, Let the Sunshine in, dans un tourbillon de coupes afro, fleurs dans les cheveux et pantalons pattes d’éléphant.
En 1979, soit 12 ans après la pièce de théâtre, Milos Forman adapte l’histoire au cinéma, avec Treat Williams dans le rôle de Berger et John Savage dans celui de Claude et signe là la première comédie musicale rock de l’Histoire. Depuis, le film a révolutionné le genre pour son anticonformisme et sa modernité et la faculté à s’attaquer à des lourds sujets de société tels que la guerre, la liberté sexuelle et le racisme. 
Hair ouvre ainsi une nouvelle ère de la comédie musicale et sonne définitivement la fin de l’âge d’or de Broadway.

Easy to be hard
 
Comédie musicale à Broadway en 1967 puis film au cinéma en 1979 sous la caméra du regretté Milos Forman, 4 ans après l’incroyable succès de son Vol au-dessus d’un nid de coucou, Hair, à sa sortie, est autant un manifeste flamboyant de la contre-culture hippie et de la révolution sexuelle des années 1960, qu’un film politique à charge contre la guerre du Vietnam et l’engagement de jeunes Américains dans une guerre monstrueuse comme peuvent l’être toutes les guerres, d’ailleurs.
Certaines chansons qualifiées de new age, comme Aquarius et Let the sun shine in sont devenues des hymnes des mouvements pacifistes.
 
La version française est créée à Paris au théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 30 mai 1969. D’emblée, elle va choquer par ses scènes dénudées et ses propos explicites et aboutir, même, à l’interruption du spectacle un soir de décembre par des gendarmes, appelés par l'Armée du Salut.
La mise en avant d'un mode de vie aux antipodes des règles établies, la remise en cause de ses obligations, de sa culture, et de la religion, déclenchent un tollé.
Découvert six mois auparavant à travers le succès de La Cavalerie, Julien Clerc a 23 ans  lorsqu’il enfile la peau de mouton du personnage de Berger. Il s’investit complètement dans ce rôle de rebelle au grand cœur qui demande dans une chanson restée célèbre dans son répertoire qu’on laisse entrer le soleil. Un appel désespéré pour un monde meilleur ouvert à plus d'humanité.
Mais le chanteur ne se fond pas bien dans la troupe qui vit, à l’instar des personnages de la comédie musicale, en communauté et quitte Hair en 1970.
C'est un autre jeune premier, âgé de 25 ans, et prénommé Gérard Lenorman qui lui succédéra.

Laissons entrer le soleil, Julien Clerc (1969)
 
Dans Hair, de Milos Forman, on suit le parcours de Claude, joué par John Savage. Ce fils de fermiers de l’Oklahoma, croit en Dieu et croit aussi que Dieu a confiance en lui. Il arrive à New York en tant que patriote pour s’engager dans les troupes américaines envoyées au Vietnam.
Mais, à Central Park, il rencontre un groupe de hippies. Il fait alors l'expérience de la liberté, des drogues et rencontre son premier amour, Sheila, et cesse peu à peu de croire en ce qu'il avait jusque-là considéré comme étant juste.

I'm Black Ain't got no

Pourquoi un jeune homme de 20 ans devrait‑il aller se faire tuer à l'autre bout du monde ? pose le film comme question sous-jacente.
Hair reflète en réalité le conflit socio‑politique américain de toute une décennie.
La révolte contre la guerre du Vietnam (qui débuta en 1964 et ne s’acheva qu’en 1975) déclencha le mouvement émancipateur des années 1960 avec son essor culturel et sa révolution sociale.
Claude, sous l'influence du groupe, mené par Berger, commence à douter du sens de son engagement dans une guerre absurde. Au lendemain de son arrivée, Berger entraîne toute la bande, sans carton d’invitation, au mariage de la jeune femme aperçue la veille à Central Park. Un banquet dans une somptueuse propriété où ils ne tardent pas à se faire repérer…
Cette histoire, écrite à la fin des années 60 par James Rado et Gerome Ragni, se veut une peinture de l’Amérique de cette époque. Milos Forman met en exergue un sujet qui lui tient à cœur : le conflit entre l'individu et la société qui demande à celui‑ci de s'adapter et d'obéir. Son film est en même temps une satire de la famille puritaine américaine et de toute la société conservatrice, dont les hippies, adultes infantiles, se moquent avec humour et en chanson.

Three, five, zero, zero
 
 Dans le pays natal de Milos Forman, la Tchécoslovaquie, communiste à cette époque‑là, à Prague, les gens font la queue toute la nuit pour acheter des billets pour la projection de Hair. Pour plusieurs générations de Tchèques, le film est devenu un manifeste de la liberté tant désirée et moins, pour le coup, une critique des intérêts et de la puissance des États‑Unis.
Pour la petite histoire, c'est George Lucas qui fut choisi en premier pour réaliser l'adaptation  cinématographique. Mais il refusa car il travaillait à l'époque sur son film American Graffiti avec Richard Dreyfuss et Ron Howard.
Madonna et Bruce Springsteen postulèrent également pour un rôle. Sans succès. 

Hare Krishna

Dans Hair, les tableaux musicaux s’enchaînent à un rythme effréné dans des chorégraphies très visuelles portant à merveille le message que les chansons souhaitent faire passer à l’image d'Hare Krishna, dans une scène complètement baroque, pour le mariage fantasmé entre Sheila et Claude, où l’on voit des personnages en lévitation au milieu d’une marée de cierges, des moines bouddhistes ou encore un cheval déambuler dans une église. 
Sheila, la fille de bonne famille sur le point de se marier avec un jeune Américain de la classe dominante, son milieu, a décidé de suivre la bande de Berger à la surprise de ses parents médusés. La voici embarquée dans une virée sans toit, ni loi, alors que Claude, lui, voit le moment imminent de son incorporation dans les rangs de l’US Army se rapprocher.

Where do I go
 
 Dans le film, contrairement à la comédie musicale où Claude meurt à la guerre, c’est le personnage de Berger qui se trouve contraint de partir à la place de Claude et qui meurt au champ de bataille à la suite d’une usurpation d’identité souhaitée au départ juste pour que Claude et Sheila passent une nuit ensemble.
Plusieurs chansons et scènes de nudité ont été supprimées. La bourgeoisie y est beaucoup plus représentée car, les personnages de Sheila et de Claude qui ne partage pas encore les idéologies hippies au début du film, s’intègrent graduellement au reste du groupe contrairement à la pièce où ils font déjà partie, dès le début, de la tribu.
Bientôt 40 ans après sa sortie sur les écrans, Hair reste une œuvre considérable mettant en scène des personnages marginaux que l’Amérique ne veut pas voir. Et aussi une minorité afro-américaine en pleine émancipation. Le tout sur fond d’histoire d’amour entre deux êtres : Sheila et Claude que tout oppose et que les conventions sociales de l’époque ne peuvent que séparer.

Manchester
 
Et pourtant, dans une Amérique en pleine mutation où les classes populaires veulent s’émanciper d’un pouvoir rigide, corseté  et profondément inégalitaire, il y a une autre voie possible.
À cause des thèmes universels abordés comme le pacifisme, l’amour et la liberté individuelle, l’œuvre figure au hall of fame, comme disent les Américains, des meilleures comédies musicales de tous les temps.
Une œuvre contre les préjugés et un hymne à la libre pensée. Des thèmes repris, depuis, dans Footlose, d’Herbert Ross, en 1984, The Boy from Oz, de Nick Enright, en 1998, ou encore Billy Eliot, de Stephen Daldry en 2000. Des films avant… de devenir des comédies musicales à succès.  
Le chorus final  de Let the sun shine in, extrait du film de Milos Forman a fait appel à quelque 20 000 figurants pour la scène de fin impressionnante des manifestants devant la Maison blanche à Washington.

Let the sun shine, version chorus final
 
Le film est disponible en DVD et Blue-ray chez MGM United Artists.
La BO du film est elle disponible en CD chez Sony ou en téléchargement payant

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