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Le cinéma d’Agnès Varda
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Le cinéma d’Agnès Varda

Un article rédigé par Fabien Genest Natio - RCF,  -  Modifié le 17 juillet 2023
Comme Resnais, Truffaut ou Godard, elle appartenait à la Nouvelle Vague, mouvement cinéphilique qui inventa un autre cinéma dans les années 60. Femme de Jacques Demy, Agnès Varda laisse une œuvre profondément personnelle tournée vers les autres.Fabien Genest lui rend hommage cette semaine dans La Symphonie du cinéma.
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La Symphonie du cinéma chamboule sa programmation cette semaine pour rendre hommage à la cinéaste et documentariste Agnès Varda, qui nous a quittés le 29 mars à l’âge de 90 ans. Une carrière accomplie qui avait débuté avec La Pointe courte, du nom d’un quartier de la ville de Sète, la ville de son adolescence, où un homme revient passer quelques jours de vacances avec sa fiancée.

Commencer chronologiquement ce portrait d’Agnès Varda par La Pointe courte prend tout sons sens car le film, tourné en 1954, avec un Philippe Noiret et une Silvia Montfort au sommet de leur jeunesse, est l’acte fondateur qui va lancer sa carrière. Financé  par  Tamaris-Films, une coopérative créée pour l’occasion avec les salaires des comédiens et techniciens, La Pointe courte est tourné sans prise de son. Varda filme avec une infinie tendresse les chats, les amoureux au soleil et les pêcheurs dans une sorte de néoréalisme italien. Une fois rentrée à Paris, elle s’attèle avec l’aide de son monteur, un certain Alain Resnais, au doublage en post-synchro.
Il faudra attendre sept années avant que ne sorte Cléo de 5 à 7, son second long-métrage.
Entre temps, elle réalise plusieurs documentaires, fait de la photo, son premier métier, et a débuté son histoire avec Jacques Demy, rencontré en 1958 au festival du court métrage de Tours. Elle a alors 30 ans et lui 27 et vont s'aiment d'un amour fou.

En 1962, Agnès Varda et Jacques Demy se marient. Lui vient de tourner Lola avec Anouk Aimée et elle, Cléo de 5 à 7, un film sur une chanteuse qui erre dans Paris, se croyant gravement malade et qui va se rendre compte de la vacuité de son existence. Corinne Marchand joue et interprète quatre titres, écrits par Agnès Varda et mis en musique par Michel Legrand, dont Sans toi et La Joueuse.

Jean-Claude Drouot et Marie-France Boyer sont les interprètes principaux du Bonheur, troisième film solaire et débordant de couleurs d’Agnès Varda, sorti en 1965, prix Louis-Delluc et Ours d’argent au festival de Berlin. L’histoire d’un jeune menuisier marié qui tombe amoureux d’une employée des Postes et pour qui un double amour n’est pas incompatible. Le film est bercé par l’insouciance de l’été et la musique de Mozart.
De la même façon que Chris Marker ou Alain Resnais, vivent auréolés de leur réputation de cinéastes de la Nouvelle Vague, Agnès Varda et Jacques Demy partagent en commun une passion pour les Etats-Unis, où ils s'installent pendant les années 60. Ils fréquentent alors Andy Warhol, Jim Morrison, et de jeunes cinéastes débutants comme Steven Spielberg, George Lucas et Martin Scorsese.

La musique dissonante et angoissante, de Pierre Barbaud pour le film Les Créatures, nous sommes en 1966, avec Michel Piccoli et Catherine Deneuve dans le rôle d’un couple taciturne, qui s’installe sur l’île de Noirmoutier. Des faits troublants se déroulent et plusieurs habitants de l'île semblent perdre le contrôle d'eux-mêmes. Voilà un sujet tout trouvé pour le mari, écrivain. On s’aperçoit alors que leur voisin, joué par Lucien Bodard, manipule les habitants grâce à une machine de son invention.
En 1967, Agnès Varda participe avec d’autres cinéastes à un documentaire contre l’intervention américaine au Vietnam. L’année suivante, c’est la figure de Huey Newton, leader des Black Panthers qui lui sert de sujet. Juste avant, elle a achevé Lions love (and lies), dont nous avons entendu un court extrait, qui brosse les relations de trois acteurs : Viva, Jim et Jerry (joués par James Rado et Gerome Ragni, les auteurs de la comédie musicale Hair) qui vivent dans une maison luxueuse à Hollywood. Ils ont tous les trois une chevelure qui fait penser à une crinière de lion et vont vivre à la télévision, objet central dans le film, l'assassinat de Robert Kennedy.

On peut aisément qualifier Agnès Varda de cinéaste mélomane. Tout au long de sa carrière, la musique a occupé une place prépondérante, on l’a vu avec Cléo de 5 à 7, ou encore avec L’Une chante, l’autre pas, en 1977, chronique sur l’évolution du droit des femmes. Pomme (jouée par Valérie Mairesse) rêve de quitter le domicile familial pour devenir chanteuse alors que Suzanne (jouée par Thérèse Liotard), souhaite, elle, avorter d’un troisième enfant non désiré. Les chansons, composées par François Wertheimer, rythment le film à la façon d’une comédie musicale.

La musique plaintive de Joanna Bruzdowicz pour Sans Toit ni loi, qui sort sur les écrans en 1985 avec Sandrine Bonnaire dans le rôle d’une jeune vagabonde, retrouvée morte de froid dans un fossé. Le film le plus connu du grand public d’Agnès Varda retrace les semaines qui ont précéde et les rencontres qu’elle a faites au cours de son errance. La musique intervient uniquement sur les treize travellings que compte le film où chacun dure environ une minute.

Au printemps 1991 sort Jacquot de Nantes. Le film retrace l'enfance nantaise, puis l'adolescence du réalisateur Jacques Demy, décédé à l’automne précédent.
La narration, empreinte de toute l'affection qu'Agnès Varda porte à son mari, est entrecoupée d'extraits de films réalisés par Jacques Demy, comme Lola ou Peau d'Âne. L’habillage musical est à la fois composé de partitions originales de Joanna Bruzdowicz et de morceaux variés de musique classique comme le Stabat Mater, de Vivaldi; mais aussi des chansons des années 30-40 comme  Caroline, Caroline, de Vincent Scotto, Papa n’a pas pas voulu, de Mireille, ou Boum et Le Temps des Cerises, de Charles Trénet.

Remontons encore le cours du temps au sujet duquel Agnès Varda disait : “Il y a deux choses que le temps efface : la gloire et l’amour.” En 1995, son amour du 7e art, qui fête alors ses 100 ans, lui fera tourner  Les Cent et une nuits de Simon Cinéma. Un film choral ave un casting impressionnant d’acteurs et actrices français et internationaux qui se soldera par un échec commercial cinglant. Elle le jure, on ne la reprendra plus à tourner une fiction.
Il y a un peu plus de dix ans, dans Les Plages d’Agnès, elle évoquait sa vie, en conteuse hors pair, dans un autoportrait où elle refaisait son parcours, émaillé de nombreux extraits de ses films et documentaires, comme L’Opéra-Mouffe, tourneé en 1958, sur le quotidien des habitants de la rue Mouffetard à Paris, avec sa musique signée de Georges Delerue.

Pas de Minute Judy Garland exceptionnellement cette semaine mais, comme le veut la coutume, quelques conseils pour prolonger cet hommage à Agnès Varda.
Et le mieux encore, c’est de joindre le son à l’image, aussi, voilà une occasion de plonger ou se replonger dans son cinéma à travers les nombreux DVD et coffrets de ses films, dont certains ont fait l’objet d’une restauration ces dernières années comme Cléo, de 5 à 7, Le Bonheur ou L’Une chante, l’autre pas, disponibles chez Arte vidéo.
Et on se quitte avec Visages, Villages, l’avant-dernier documentaire qu’avait coréalisé Agnès Varda avec l’artiste plasticien JR. Un road movie à travers la France des campagnes à bord d’un camion photomaton. Un retour aux sources en quelque sorte d’où ressort toute l’empathie d’Agnès Varda pour les petites gens.

Play list des extraits diffusés :

Extrait de La Pointe courte, d’Agnès Varda, musique de Pierre Barbaud et airs de folklore
Sans toi et La Joueuse, par Corinne Marchand, musique de Michel Legrand, Bo de Cléo de 5 à 7
Bande annonce du Bonheur, d’Agnès Varda, musique de W.A. Mozart
Les Créatures, Pierre Barbaud
Extrait de Lions Love (and lies), musique de Joseph Byrd
L’Une chante, l’autre pas, d’Agnès Varda, musique de François Wertheimer
Sans toi ni loi, Joanna Bruzdowicz
Bande annonce de Jacquot de Nantes, Agnès Varda et le Stabat Mater, d’Antonio Vivaldi
Opéra 1, L’Opéra-Mouffe, Georges Delerue, extrait du documentaire Les Plages d’Agnès, d’Agnès Varda
Opéra 2, L’Opéra-Mouffe, Georges Delerue
Visages, villages, musique de Mathieu Chedid
Extrait de Visages, villages, d’Agnès Varda et JR
Extrait de Varda par Agnès, Causeries 2, Agnès Varda, Ciné Tamaris et Arte

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