Soumission, conformisme, consentement : pourquoi obéissons-nous ? Frédéric Gros décortique l'acte d'obéir pour nous aider à oser retrouver l'audace de dire "non" pour raisons éthiques.
Et si on avait peur d'être libre ? Le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus normatif. Il y a la mode dicte sa loi, et avec le développement des moyens de communication, on est comme englué dans un courant globalisant qui uniformise nos façons d’être au monde. Penser l'obéissance ou la désobéissance c'est questionner notre liberté. C'est tout l'objet de l'essai passionnant, "Désobéir" (éd. Albin Michel), que signe le philsoophe Frédéric Gros. L'auteur ouvre aussi la possibilité de sortir de l'obéissance, quand celle-ci nous déshumanise.
Creusement des injustices sociales, environnement dégradé, injustices sociales... Comment se fait-il que nous ayons accepté l'inacceptable ? C'est à peu près par ces mots que Frédéric Gros ouvre son livre. Cette façon que nous avons de déléguer à la technique, à la science et aux statistiques notre propre responsabilité d’être pensant et agissant, la façon dont le politique s’incline devant la toute puissance économique... Le philosophe aime citer Walter Benjamin : "La catastrophe c'est quand tout continue comme avant." Si la catastrophe est imminente, pourquoi notre passivité est-elle latente ?
De la question de l'obéissance à celle de la liberté. Au fond, pourquoi obéit-on ? Aux normes, aux codes, aux dogmes, au conformisme ambiant ? L'auteur de "Désobéir" vient révéiller notre conscience de sujet libre et pensant. Sommes-nous vraiment libres de nos actions ? De nos pensées ? "Cette liberté dont on parle tant et dont on fait l'essence de la dignité humaine", et même "l'objet d'un désir universel", on s'aperçoit que "c'est peut-être ce qui nous fait le plus peur".
"La liberté, la plupart des gens en ont peur." Parce qu'elle nous met face à notre solitude. "La liberté est un vertige insupportable et nous passons notre vie à essayer de ne pas être libre", nous dit le philosophe. Nous sommes seuls dans l'angoisse de devoir décider, en prenant nous-mêmes nos responsabilités en conscience. Liberté est synonyme de responsabilité. Si bien que dans notre vie, nous recherchons constamment des stratégies pour éviter d'être libre car "éviter d'être libre c'est éviter d'être responsable".
Et la désobéissance est synonyme d'exclusion du groupe. "Au fond, ce qui fait communauté c'est l'obéissance." Respecter les mêmes dogmes, vérités, valeurs, rites de reconnaissance... Désobéir c'ets faire différence, on a peur d'être seul et de sortir du groupe.
Pour justifier notre obéissance, parfois on se réfugie dans une fausse humilité. "Qui suis-je, moi pour décider ? Est-ce que je sais mieux que les autres ce qu'est la justice, etc. ?" Certes, quand on a un loyer à payer des enfants à nourrir, un prêt à rembourser, désobéir a un coût. En institution, en entreprise, vous pouvez être viré, rétrogradé, humilié.
Mais n'exagère-t-on pas parfois "le coût de la désobéissance"? Ne serait-ce que "pour nous excuser à nos propres yeux, pour nous rassurer nous-mêmes et ne pas paraître à nos yeux trop monstrueux" ?
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