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Les États généraux de la bioéthique, quels enjeux ?
Présentée par Jean-Luc Pouthier UAC-35247
Les mardis du Centre Sèvres
mardi 20 février 2018 à 21h00
Durée émission : 55 min

© h heyerlein / Unsplash - États généraux de la bioéthique : pour le Pr Jean-Noël Fiessinger, il y a "une obligation morale d'intervenir dans ce débat"
Tous les citoyens sont invités à donner leur avis et participer aux États généraux de la bioéthique. Il y a urgence, dans environ trois mois ce sera trop tard.
Les États généraux de la bioéthique? "Vous êtes tous concernés, nous dit le Pr Jean-Noël Fiessinger, il y a une possibilité, et même à mon sens une obligation morale, d'intervenir dans ce débat ; deuxièmement, il y a urgence, dans six mois ce sera passé!" C'est le gouvernement qui a demandé au Pr. Jean-François Delfraissy, le président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), d'organiser ces États généraux. Pour le CCNE, il s'agit de prendre en compte les progrès de la médecine et aussi de les opinions de la société française. Comment a-t-elle évolué sur le sujet?
"Les avancées scientifiques et les évolutions sociétales se trouvent intimement mêlées" ; les unes extrêmement rapides, les autres particulièrement lentes
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE - Dès le 18 janvier 2018 s'ouvrent les États généraux de la bioéthique, une vaste réflexion pour réfléchir aux questions éthiques que posent les progrès de la science. Des débats que vous pourrez suivre sur RCF.
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Des enjeux internationaux
"Les enjeux de ces États généraux sont des enjeux de société, pour le Pr Jean-François Mattei, avec différents niveaux de réflexion et de décision : un enjeu international, un enjeu national et un enjeu pour les consciences." Pour le professeur émérite de médecine, "si la France veut participer aux négociations internationales sur l'éthique appliquée à la biologie et à la médecine, il lui faut afficher ses propres choix et les argumenter".
Ainsi, "ce n'est pas parce que tel ou tel pays autorise telle ou telle pratique que nous sommes dispensés d'un examen critique et d'une prise de décision qui nous soit propre". "Faudrait-il que nous suivions aveuglément la Chine, les États-Unis, la Grande-Bretagne, qui autorisent le recours aux ciseaux génétiques pour tenter de modifier l'embryon, alors que la prudence voudrait qu'on laisse à la technique le temps de faire ses preuves, ce qui n'est pas encore le cas ?" Pour le Pr Mattei, s'il faut "faire valoir ses convictions", "il ne faut pas s'enfermer dans des idées définitivement arrêtées" et "rester ouvert à la discussion".
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Des enjeux nationaux
Du côté des religions, le Pr Mattei a noté que catholiques, protestants, juifs et musulmans montrent "un accord sur la dignité de la vie et son respect absolu" - mis à part "des divergences notables" par exemple, "sur le début de la vie". En revanche, sur le plan politique, le professeur de médecine remarque "une opposition aussi composite qu'inattendue", réunissant "des catholiques ancrés dans leurs convictions", des libéraux opposés à toute législation et des féministes convaincues qu'on ne pouvait pas légiférer sur le corps des femmes.
"Les questions de société nous ont toujours préoccupés, mais elles mûrissaient à leur rythme." Aujourd'hui la science avance très vite. C'est par exemple la possibilité de congeler les spermatozoïdes et les embryons qui a permis l'insémination artificelle et la fécondation in vitro. "Ces techniques ont créé le champ de la Procréation médicalement assistée et ont modifé les désirs de couples infertiles." Ainsi, l'un des enjeux majeurs de ces États généraux est que "les avancées scientifiques et les évolutions sociétales se trouvent intimement mêlées" ; les unes extrêmement rapides, les autres particulièrement lentes.
Des enjeux de conscience
"La morale n'est plus à la mode", regrette le Pr Mattei. Dans une société particulièrement individualiste comme la nôtre, "la seule boussole qui demeure se trouve dans nos consciences, or elle me semble insuffisamment formée, insuffisamment nourrie, insuffisamment préparée pour affronter toutes ces questions éthiques". Le généticien de conclure : "Je suis beaucoup plus inquiet de l'affaiblissement de nos consciences aujourd'hui que des avancées scientifiques. Car ce n'est pas la connaissance qui est dangereuse, c'est l'usage que l'on en fait."
Pour le Père Bruno Saintôt, il sera nécessaire de nous détacher de "l'obsession" des droits. "Si, pressés par l'urgence, nous restons focalisés sur de nouveaux droits à conquérir ou à refuser, sur de nouvelles normes à promouvoir ou à empêcher, nous risquons de manquer les signification et les valeurs des actions de soins qui sont en jeu." Sortir par exemple de l'obsession du pour ou contre l'assistance médicale à la procréation, pour nous concentrer sur les valeurs de l'engendrement et du lien de filiation. "Comment élaborer des normes si nous n'explorons pas les significations et les valeurs fondamentales de l'amour, de l'enfantement, de l'éducation, du soin, de la relation de confiance...?"
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE, RAPPEL DU FONCTIONNEMENT
- D'abord, le CCNE veut recueillir les opinions des citoyens sur deux points : la définition des sujets à traiter et l'élaboration des réponses à apporter. Deux outils pour cela, on peut participer en ligne via le site internet des États généraux de la bioéthique ou se rendre aux réunions organisées par les Espaces de réflexion éthique régionaux (ERER) placés sous la responsabilité des Agences Régionales de Santé (ARS).
- Le CCNE va aussi auditionner des associations, des organisation professionnelles et des sociétés savantes qui vont présenter leur opinion. Depuis le mois de novembre 2017, les directeurs des organismes publics qui ont un comité d'éthique (Académie des sciences, Inra, Inserm, etc.) ont pour mission de rédiger un rapport pour le CCNE.
- Enfin, un Comité citoyen composé de 20 personnes tirées au sort et censées représenter l'ensemble de la société française, vont suivre les travaux et devront établir eux-même un rapport spécifique de ce Comité citoyen.
Tout ceci devant être fait avant le mois de mai 2018 puisqu'en juin, le rapport rédigé par le CCNE sera remis à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. À partir du mois de septembre, le gouvernement préparera son projet de loi, qui sera présenté pour être voté soit à la fin de l'année 2018, soit au début de l'année 2019.
Conférence enregistrée le 6 février 2018 au Centre Sèvres - facultés jésuites de Paris, dans le cadre des Mardis d’éthique publique.
Invités
-
Pr Jean-François Mattei, professeur émérite de pédiatrie et de génétique médicale, ancien ministre de la Santé, rapporteur des lois relatives à la bioéthique de 1994, membre de l’Académie nationale de médecine
-
Père Bruno Saintôt, jésuite, responsable du Département éthique biomédicale du Centre Sèvres
-
Pr Jean-Noël Fiessinger, professeur de médecine émérite à l’Université Paris-V, ancien membre du Comité consultatif national d’éthique, membre de l’Académie nationale de médecine
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