Quand on parle de la confiance aujourd'hui, c'est souvent pour dire que nos contemporains l'ont perdue ! Combien sont ceux en effet qui disent n'avoir plus confiance en leur banquier, ne plus croire aux promesses des politiques ou douter de leur patron... Pourtant, croire en la parole de l'autre constitue un pilier de notre civilisation. Certes, faire confiance est un pari, un risque, mais sans celui-ci aucune relation vraie ne pourrait voir le jour. Pour Michela Marzano il est urgent de redonner à la confiance ses lettres de noblesse. La philosophe signe l'essai "Le contrat de défiance" (éd. Grasset), où elle décortique subtilement ce qu'est cette confiance humanisante.
"Sans confiance, pas de société"
La défiance, qui nous conduit à nous renfermer sur nous-mêmes, est "l'un des problèmes les plus importants face auxquels on se trouve aujourd'hui", constate la philosophe. Or, à force de se méfier de l'autre, on en vient petit à petit "à ne plus croire au futur, à ne plus pouvoir construire un lien avec l'autre et bâtir une société où chacun puisse s'épanouir". "Sans confiance, il n'y a pas de société." Impossible en effet de sortir de chez soi, d'emprunter les transports en commun, de déjeuner au restaurant...
société du contrat
Dans nos sociétés individualistes modernes, le contrat a remplacé la parole donnée. Michela Marzano explique qu'autrefois dans les sociétés traditionnelles, "la confiance pouvait se bâtir à partir du fait que, quand j'ai donné ma propre parole, il y avait un garant de ma parole, par exemple Dieu. Dieu était le garant de la parole donnée et les représentants de Dieu sur terre étaient là pour faire en sorte que cette parole soit respectée aussi". Aujourd'hui, "toute la difficulté" est de "redonner de l'importance à la confiance".
Dans un monde où on a du mal à accepter l'inconnu, les risques sont évalués sur le plan économique mais aussi politique. On en vient à "contractualiser toute sorte de relation", comme le rapport entre le patient et le médecin, ou encore le contrat de mariage, etc. Pour Michela Marzano il y a là "un piège". "À chaque fois que l'on passe par un contrat c'est bien la preuve que l'on ne fait pas confiance."
Qu'est-ce que la confiance ?
La philosophe décrit "un concept à mi-chemin entre la confiance aveugle, voire même la foi, et d'autre part le contrat". Au sein d'une relation entre deux personnes, l'autre doit pouvoir faire preuve d'une forme de fiabilité mais la fiablité ne suffit pas à expliquer la confiance. Ainsi, on dit que l'amour a besoin de preuves mais "que serait un amour s'il n'était qu'une somme de preuves ?" "Il faut qu'il y ait quelque chose de non contrôlable, de non maîtrisable, parce que c'est ça qui fait la richesse de la rencontre humaine."
Émission d'archive diffusée en 2010