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Addiction numérique: "on n'a pas fait attention" explique Bruno Patino
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Addiction numérique: "on n'a pas fait attention" explique Bruno Patino

RCF,  -  Modifié le 11 juillet 2020
​Bruno Patino fait partie des pionniers de la révolution numérique en France, dans les médias. Aujourd’hui il tire la sonnette d’alarme.

Bruno Patino est un homme de média. Un de ceux qui ont cru à la révolution numérique. Aujourd’hui directeur éditorial d’Arte France, et doyen de l’école de journalisme de Sciences po, il publie "La Civilisation du poisson rouge, petit traité sur le marché de l’attention" (éd. Grasset). Un livre écliarant qui dénonce les excès du numérique, dans les médias, dans les réseaux sociaux, et finalement dans nos vies.
 

Une seconde de plus que le poisson rouge

"Le titre du livre vient d’une analyse faite par Google qui explique que le temps d’attention du poisson rouge est de huit secondes, et que celui d’un enfant né avec un smartphone entre les doigts est de neuf secondes" explique-t-il. Un seconde nous sépare aujourd’hui avec le poisson rouge. "On est dans un moment où l’on n’a pas fait attention" ajoute-t-il.

Véritable acteur de la mutation numérique, Bruno Patino croit "toujours que la technologie permet de mettre en lien la connaissance, de rendre disponible l’information pour tout le monde, de promouvoir l’économie du partage". Jusqu’ici tout va bien. Mais pour l’auteur de "La Civilisation du poisson rouge", quelque chose est arrivé. Un dérapage incontrôlé. Comme si l’on s’était accaparé l’innovation, sans réfléchir deux secondes à ses conséquences dans nos vies. Et aujourd’hui, nous en sommes dépendants.
 

Un ensemble de pathologies

"On avance tous la nuque baissée, et même dans les repas familiaux et entre amis, qui devraient être des moments de recul, de lecture, de travail, on a cette nuque baissée, et le regard aimanté par le téléphone portable. J’essaie de donner un début d’explication. C’est un ensemble de pathologies. On a fait ce petit calcul : nos journées ont plus d’une trentaine d’heures. Si on met bout à bout le temps consacré aux choses habituelles plus le temps consacré aux écrans, on arrive à trente heures" lance-t-il.

Peur d’être privé de son portable, anxiété, crainte de ne pas avoir été suivi, liké, partagé sur les réseaux sociaux. Peur de tomber dans l’oubli. Les pathologies liées à l’explosion du numérique et à son omniprésence dans nos vies sont nombreuses. Bruno Patino en dresse la liste dans son ouvrage. Des pathologies alimentées en permanence par les grands groupes numériques, qui utilisent nos données personnelles pour coller à notre attention perpétuelle. "Cela provoque une dépendance. Les plus jeunes et même les plus âgés finissent par ressentir le besoin de consulter de manière compulsive leur écran" analyse-t-il.
 

Avec des règles, un autre web est encore possible

Pour autant, un autre web est possible. Bruno Patino en est convaincu. Mais la réponse ne pourra pas venir de nous-mêmes, ou de la société. "Cette technologie peut être utilisable différemment. Elle nous permet l’économie du partage, d’être en relation avec des personnes aux quatre coins du monde, elle nous permet d’avoir accès immédiatement à la connaissance. C’est la bibliothèque d’Alexandrie accessible à tous, à tout moment" rappelle-t-il.

"Face à ces dérives, la réponse est à deux niveaux. Elle ne sera pas automatique. Je ne crois pas en l’autodiscipline et la régulation d’une société. Mais le temps est arrivé pour que la discussion s’engage entre les deux parties. Il faut poser des cadres, des règles. Poser des règles, ce n’est pas atteindre à la liberté d’expression, c’est au contraire la préserver" estime Bruno Patino, qui conclut en pointant du doigt les mécanismes issus des neurosciences, mis en place par les réseaux sociaux, pour accroitre toujours plus notre dépendance.

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