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"Amin" de Philippe Faucon
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"Amin" de Philippe Faucon

RCF,  -  Modifié le 3 octobre 2018
Chaque mercredi Valérie de Marnahc vous propose un film qui sort en salles.

Après Fatima, César du meilleur film en 2016, Philippe Faucon revient sur les écrans avec "Amin", et nous livre à nouveau sans polémique ou ni dramatisation, un film sur la question migratoire. Comme dans l’histoire de cette mère algérienne qui élevait seule ses deux filles et rêvait pour elles d’un avenir meilleur, il touche juste. Cette fois, l’histoire se déroule sur deux continents, entre deux pays, le Sénégal et la France et nous parle de distances et de déracinement.

Amin vit en France dans un foyer et travaille sur des chantiers, il a laissé sa femme Aicha et leurs 3 enfants au pays, envoie de l’argent à toute sa famille et ne rentre que 2 fois par an. Dans son village, il est solaire, puissant, charismatique, comme lorsqu’il encourage les élèves de son ancienne école à bien étudier pour pouvoir un jour diriger leur pays. En France, dont il ne maitrise pas la langue, il est mutique, taiseux et se livre peu. Son patron l’envoie travailler dans un quartier résidentiel, où il rencontre Gabrielle, une infirmière divorcée, qui vit seule avec sa fille adolescente. Tout les sépare mais ils connaissent la même solitude et vont avoir envie de partager un peu de douceur et de chaleur humaine.   

Le réalisateur a choisi Emmanuelle Devos pour le rôle de Gabrielle et c’est une étape dans leur filmographie. Lui nous avait plus habitués à des acteurs non-professionnels, et elle, est loin du cinéma d’auteur français où elle a commencé. Mais la greffe a pris et son mystère et sa sensualité apporte une touche nouvelle au cinéma de Philippe Faucon. 

C’est la 3ème fois qu’il donne un prénom comme titre à son film. Il y avait eu d’abord Samia en 2000 puis Fatima, donc. A chaque fois, il cherche à créer des personnages qui suivent leur trajectoire propre, mais incarnent en même temps des réalités beaucoup plus larges. En partant de l’intime de leur vie, il rejoint les grandes questions de notre monde, et en dit souvent beaucoup en très peu de mots. Aux côtés d’Amin, on découvre aussi d’autres réalités de l’immigration incarnées par ses amis. Abdelaziz par exemple a construit deux vies, deux familles, une au Maroc et une en France. Le film n’élude pas non plus la misère sexuelle d’hommes jeunes, seuls et sans femme. Mais il donne en revanche un très beau rôle de femme forte et émancipée à Aicha, la femme d’Amin restée au pays, et qui refuse de se soumettre à sa belle-famille comme le voudrait la tradition.

Il y a un peu un côté documentaire, ses films sont courts, tous moins d’une heure et demie (ce qui est très rare de nos jours au cinéma). Ils sont sans jugement ni psychologie sur les personnages. Le montage est resserré, sec, minimaliste. Il montre sans chercher à démontrer. Mais il observe parfois de manière quasi-prémonitoire les grands mouvements de notre société. Son film La Désintégration sur la radicalisation progressive de deux jeunes était sorti en février 2012, un mois à peine avant les drames de Toulouse et de Montauban. Et bien mieux que les médias en général, "Amin" nous éclaire sur des réalités économiques et humaines complexes. Et en laissant à l’intrigue le temps de se dérouler, il nous incite à mieux connaitre l’autre.
 

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